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Parmi les états à double étalon, plusieurs essayèrent d’échapper à la perte que leur faisait subir la substitution du métal déprécié, l’or, au métal recherché, l’argent. Pour y parvenir, il n’y avait qu’un moyen : c’était d’enlever à l’or la qualité de monnaie, afin de l’empêcher de pénétrer dans la circulation. C’est la mesure qu’adopta d’abord la Hollande, mue par des raisons théoriques, avant même que l’affluence de l’or californien fit sentir ses effets. La Belgique en 1850, la Suisse bientôt après, démonétisèrent l’or à leur tour, et adoptèrent comme unique étalon le franc d’argent, c’est-à-dire une pièce contenant 4 grammes 1/2 de métal fin et 1/2 gramme d’alliage. Cette mesure, conforme à la rigueur des principes économiques, réussit en Hollande, où on avait un système monétaire spécial basé sur le florin des Pays-Bas ; mais elle échoua en Belgique et en Suisse, parce que les populations, habituées à une communauté monétaire complète avec la France, ne purent se décider à repousser de la circulation le napoléon d’or, en vain frappé d’interdiction légale. L’or étant ainsi reçu par les particuliers et repoussé par les caisses de l’état, il en résulta des embarras si sérieux et des réclamations si vives, que la Suisse en 1860 et la Belgique en 1861 furent obligées de revenir malgré elles au système du double étalon. Pour faire réussir leur tentative, ces deux pays auraient dû rompre complètement avec le système français. Il était bien difficile de conserver toutes les dénominations de ce système et de faire repousser par le public les pièces d’or qui les représentaient, surtout en présence de l’immense commerce fait avec la France. L’or, triomphant partout, devint donc l’instrument principal des échanges.

Nul probablement ne se serait plaint de cette révolution métallique qui substituait une monnaie commode et légère à une monnaie qui rappelait par trop celle de Sparte, si l’écoulement de l’argent n’avait pas entraîné aussi les petites pièces de 1 franc et de 1/2 franc, qui sont indispensables pour payer les salaires et pour opérer les achats de ménage. Il ne restait donc dans la circulation, en fait de petites pièces, que celles usées au point d’avoir perdu jusqu’au dixième de leur poids, et dont les empreintes avaient disparu. Encore étaient-elles en quantité insuffisante. Dans plus de la moitié des départemens français, des plaintes très vives s’élevèrent à ce sujet, et les industriels du département du Nord, pour payer leurs ouvriers le samedi, étaient obligés de faire venir de Belgique la petite monnaie, qui leur faisait complètement défaut. À cet état de choses si gênant, il fallait un remède. Ce remède était indiqué par l’exemple de l’Angleterre, qui en 1816 avait abaissé le titre de sa monnaie d’argent, décrétant en même temps qu’elle ne devait plus être reçue obligatoirement pour une somme supérieure à 2 liv.