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quels furent dans le principe sa manière de préparer sa nourriture, son mode d’habitation, ni quels ont été alors ses ustensiles, ses armes, ses engins de chasse et de pêche. Le livre sacré parle de nos ancêtres comme s’ils étaient entrés de plain-pied dans une condition semblable à celle où se trouvaient les Israélites à leur arrivée en Égypte. On passe dans la Bible, sans transition marquée et en quelques pages, d’Adam à Noé et de Noé à Abraham. Tout ce qu’elle nous apprend sur le genre de vie des premiers humains, c’est que l’Éternel fit à Adam et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit, qu’il les envoya hors du paradis terrestre cultiver le sol. Caïn est déjà représenté comme laboureur, et Abel comme pasteur.

Ce silence des cosmogonies sur l’évolution de notre espèce tient à ce que les anciens ne songeaient pas aux problèmes que la science se pose aujourd’hui ; ils se figuraient les choses comme ayant été à l’origine telles qu’ils les avaient sous les yeux, erreur qui est encore celle des populations sauvages. Nous sommes restés dans l’ignorance de nos pères jusqu’à ces derniers temps, car il n’y a pas un siècle que la géologie et la paléontologie, en ramenant l’attention sur ce sujet, ont éveillé une curiosité plus réfléchie. Des découvertes toutes récentes et fort inattendues sont venues enfin jeter quelques lumières sur la question du premier âge de l’humanité, qui menaçait auparavant d’être éternellement enveloppée du plus impénétrable mystère. En interrogeant les dépôts de fossiles renfermés dans les divers étages de l’écorce terrestre pour savoir quelles conditions successives notre planète avait traversées, on étudia les débris paléozoïques avec plus de soin, on distingua mieux les âges, on saisit plus clairement les transformations graduelles de la faune et de la flore. Un examen plus circonstancié des dernières couches, de celles qui précèdent immédiatement les terrains actuels, a enfin fait reconnaître des traces de la présence de l’homme à une époque beaucoup plus reculée que celle que la tradition nous permet d’atteindre. Ces vestiges de l’industrie humaine, par leur association à des fossiles d’espèces éteintes près desquels on a recueilli quelques ossemens humains, nous fournissent maintenant des élémens pour esquisser les premiers linéamens de l’histoire de la société primitive ; ils nous apprennent dans quel état se trouvaient les continens européens alors que notre espèce y fit son apparition, ou du moins quand elle commença de s’y répandre.


I

La vallée de la Somme présente d’anciennes alluvions appartenant à la période quaternaire, dont les terrains étaient jadis désignés sous le nom fort impropre de diluvium, et qui a été suivie par