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et donne par sa fécondité une juste idée des ressources de l’inépuisable nature. Ce phénomène nous fait donc remonter aux premières pages de l’histoire végétale, et l’on peut, ainsi qu’on l’a dit, en contemplant le contenu d’un vase d’eau verdie aux rayons du soleil, assister en réalité aux premières scènes de la création.

A cette même famille appartient une algue extraordinaire, si étrange même que les anciens la regardaient comme une production merveilleuse et s’évertuaient à lui trouver des noms bizarres ou grotesques[1]. Cette algue, qu’on appelle nostoc, se trouve, par les jours humides d’automne, dans les allées des jardins, le long des routes gazonnées et particulièrement sur le chaperon des murs recouverts de terre, où elle forme de petites masses gélatineuses qui n’offrent au premier abord aucune apparence d’organisation. Les premiers rayons de soleil la sèchent et la dissipent en quelque sorte, mais elle se reconstitue pendant les froides heures de la nuit. Vue au microscope, cette plante amorphe présente, au milieu d’une masse transparente, d’innombrables chapelets de granules verdâtres. Ces chapelets, à formes serpentines, se composent d’une série d’articles globuleux, quelquefois interrompus par une granulation plus grosse. Ici se renouvelle le phénomène curieux de la motilité. Ces chapelets de globules gélatineux et si parfaitement inertes en apparence sont animés à certaines époques de l’année d’un mouvement de reptation que paraît provoquer l’influence pour ainsi dire attractive des rayons lumineux ; mais voici que se manifestent au bout de quelques jours les curieuses particularités de la reproduction. Les chapelets s’immobilisent, se revêtent d’une mince membrane et s’élargissent par le dédoublement des globules verts en une sorte de sac transparent. Les rangées de granulations, d’abord à peu près parallèles, finissent par former un amas d’apparence confuse ; cette confusion dure peu et le nouveau chapelet commence à vivre d’une vie indépendante à côté de celui dont il est issu par dédoublement. Les espèces de nostoc sont nombreuses, et chacune d’elles se distingue par des particularités spéciales. Il en est chez lesquelles le dédoublement se complique d’un nouveau mode de reproduction. Ici, ce n’est plus latéralement que la multiplication s’opère, c’est à chacune des extrémités du chapelet, dont le dernier article se modifie graduellement. Il grossit, s’allonge, prend une forme elliptique, fonce en couleur et se transforme en sporange, c’est-à-dire en une sorte de poche membraneuse. A ce moment, le nostoc n’est pas sans analogie avec une sorte de chenille dont le corps flasque et gélatineux se terminerait de part et d’autre par une longue tête noirâtre. Chacune de ces têtes est creuse et con-

  1. Fleur du ciel, esprit radical, archée céleste, crachat de la lune, vitriol végétal, etc.