Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 68.djvu/882

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’eux-mêmes en rase campagne, doutent encore davantage de leurs chefs, qu’ils n’ont jamais eu l’occasion d’éprouver, et peuvent être plus redoutables à leur propre général qu’à leurs adversaires.

Pénétré d’une sincère et affectueuse estime pour les hommes de bien qui croient que l’épanouissement de la liberté en France désarmerait immédiatement toutes les ambitions en Europe, nous espérons que notre pays demeurera sourd à leurs honnêtes et décevantes paroles. Partout et dans tous les siècles, la modestie a été une vertu rare chez les victorieux. Ceux d’aujourd’hui sont plus occupés de s’assimiler leurs conquêtes et d’en préparer de nouvelles qu’enclins à suivre les conseils et à imiter les institutions pacifiques de leurs voisins. Entre 1867 et 1847, il n’y a aucune ressemblance morale, politique ou militaire.

Malheur à la France, si, brisant la chaîne de ses glorieuses traditions, elle se lassait d’avoir une armée plus puissante par l’organisation que par le nombre ! — Étaient-ils des soldats improvisés, ces 50,000 hommes qui, sous les ordres du général Bonaparte, eurent raison en quinze mois de l’armée piémontaise et de trois armées autrichiennes ? — Étaient-ils de nouvelle levée, ces 130,000 soldats qui, partis du camp de Boulogne, allèrent rapidement cerner Ulm, et peu de jours après entrèrent dans Vienne, n’ayant à envoyer dans les hôpitaux que des blessés ? — Étaient-ils des demi-bourgeois demi-soldats, ceux qui pendant deux hivers ont vécu dans la tranchée de Sébastopol, et, sans que leur courage eût été refroidi par plusieurs assauts infructueux, en livrèrent un décisif ? — Avaient-ils été enlevés récemment à l’atelier, au salon, à la charrue, ces admirables soldats qui, au Mexique, n’ont jamais tenu compte des distances ni du nombre de leurs ennemis ? Lasse enfin de faire couler leur sang généreux pour d’ingrats étrangers voués à l’anarchie, la France les rappelle. Qu’elle n’oublie pas leur gloire ! Que cette gloire lui soit une consolation des mécomptes de la politique et un préservatif contre de dangereux engouemens !

Quand ils ont accompli la tâche imposée par la patrie, nos soldats, si modestes en France après leurs victoires de Crimée et d’Italie, si doux en Algérie aux populations soumises, si peu bruyans à Rome quand ils y protégeaient la papauté, deviennent des citoyens excellens, des pères de famille exemplaires. Où les administrations publiques et les compagnies de chemins de fer trouvent-elles des employés plus exacts, plus probes que parmi eux ? A qui confions-nous plus volontiers nos clés et l’intérieur de nos maisons ? De tels soldats sont admirés dans tous les pays, même dans ceux où fleurit la landwehr. N’envions pas cette institution à ceux dont elle fait la confiance, La landwehr est la base et la réserve de