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des côtes bleuâtres de la Thrace. A l’orient s’ouvrent les plaines profondes de Mysie et de Galatie, et plus près les vallées étroites de la Bithynie. On distingue, lorsque le ciel est pur, le sommet allongé de Stamboul, du Vieux-Sérail à la mosquée d’Eyoub. La double chaîne du Bosphore se referme comme une muraille derrière Scutari et Constantinople. Au nord et à l’occident, au pied même de l’Olympe, s’étalent trois beaux lacs, et vers la Troade se dressent les crêtes innombrables de la chaîne de l’Ida.

Le mot de lord Byron sur l’Orient s’applique rigoureusement à la contrée que nous venons de décrire. « C’est, dit-il, un pays où tout est divin. » Là donc s’épanouirent de nouveau dans l’âme de nos ancêtres la paix, la sérénité et la joie, tous ces sentimens candides et profonds qui demeureront toujours parmi les traits originaux du génie hellénique, d’Homère à Phidias, de Sophocle à Épicure. Et en même temps, sans aucune préoccupation théologique, mais portés à leur insu et naturellement par la poésie vers la foi, ils vénérèrent cette montagne si belle comme le séjour des dieux, et, créant ceux-ci à leur propre image, ils déclarèrent qu’ils y vivaient joyeux et bienheureux. Tel est le fond primitif et simple du mythe de l’Olympe. Peu à peu les poètes l’enrichirent de leurs inventions. Ils dépeignirent le palais de Jupiter, qui couronne la plus haute cime, environnée d’une campagne fleurie. Sous son vaste portique, dont le pavé est d’or, se réunit l’assemblée céleste. Les nuages, dérobent aux regards des hommes cet inviolable sanctuaire, et les Heures veillent près des portes saintes. « Là, dit Homère, jamais les vents ne soufflent, jamais ne tombent les flocons de la neige ; du ciel toujours pur découle une lumière blanche. » Mais les âmes humaines après la mort ne remontent point vers les immortels, car les dieux grecs ne sont pas des providences, et le paradis n’est pas dans le polythéisme homérique la récompense de la vertu. Ils ne sont guère les amis des hommes ; leur bienveillance est aussi passionnée et capricieuse que leur haine. Ils sont jaloux de l’homme trop longtemps heureux, et ils rient impitoyablement lorsqu’une infortune subite le terrasse. S’ils ne s’abaissent pas vers l’humanité, dont ils se jouent, ils l’attirent à eux par le charme tout-puissant de la jeunesse et de la joie. Leur beauté les rend adorables. Les voluptés des hommes prennent sur l’Olympe un air d’ineffable grandeur. Des nuées d’or voilent les amours des dieux, et sous une pluie lumineuse fleurissent autour de leur couche nuptiale les lotus et les hyacinthes. Néanmoins dans la salle du festin, tandis que le nectar remplit les cratères, les muses chantent au son de la lyre d’Apollon ; les Grâces, se tenant par la main, mènent le chœur des danses, et le retentissement du rire des bienheureux descend d’écho en écho sur la terre jusqu’aux hommes qu’il réjouit.