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lecture de ce livre, les écoles protestantes d’Allemagne s’étaient divisées, et tandis que les unes réprouvaient avec énergie la théologie nouvelle, les autres l’accueillaient, l’encourageaient, l’enseignaient. Dans l’un et l’autre camp se trouvaient donc des ministres et des pasteurs. L’agitation, à vrai dire, n’avait pas encore pénétré en Angleterre ; mais, grâce aux fréquentes relations des dissenters avec l’Allemagne, un longtemps ne devait pas s’écouler avant qu’elle ne franchît la Mer du Nord. En outre on parlait d’un mouvement tout semblable qui commençait à gagner l’Amérique ; on disait que le recteur Emerson préparait un livre plein de matérialisme et de doute, et, comme Strauss, Emerson était lui-même protestant et pasteur. Le premier bâtiment venu de New-York pouvait amener « cette peste » dans la Tamise. Déjà même, à en croire certaines rumeurs, plusieurs non-conformistes tenaient publiquement un langage au moins suspect, et cependant l’église anglicane continuait à dormir son sommeil, aussi indifférente aux menaces de l’ennemi qu’à la détresse des siens. Il devenait évident que l’heure du péril approchait ; la situation était menaçante, quand il se rencontra quelques hommes qui conçurent l’idée d’imprimer un mouvement rétrograde à l’anglicanisme, « attiré par la voix de l’abîme. »


II

Bien qu’ils fussent hommes d’un savoir distingué, les nouveaux apôtres étaient encore peu connus du pays. Tous ou presque tous pourtant étaient membres de l’église établie et appartenaient aux grandes universités anglaises : M. Keble, M. Newmann, M. Palmer, M. Froude à Oxford, M. H. Rose à Cambridge : derrière eux venaient de dévoués collaborateurs, MM. Perceval, Ward et Williams. Combattre la théorie extrême du libre examen, qui mène à la négation des dogmes, lui opposer le principe d’une autorité divine, tel était le but que se proposait leur zèle ; mais où trouver ce principe d’autorité ? Sur quelle base fonder leur système ? Ils résolurent de demander ce secret à l’histoire. Le grand succès de l’école historique française jetait le reste de l’Europe dans de semblables études : l’Allemagne s’était servie de l’histoire pour détruire ; à l’Angleterre il appartenait d’en user pour réédifîer. Ramener la foi par la science, tel fut le problème que se proposèrent ces ingénieux esprits. Abandonnant la vieille méthode protestante de l’exégèse de la Bible par la Bible, ils voulurent interroger les annales du christianisme naissant et demander aux IIIe et IVe siècles leurs croyances et leur théologie. Ils commencèrent cette œuvre par la