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communautés religieuses d’hommes et de femmes. Saisis d’un enthousiasme tout nouveau, frères et sœurs font vœu de continence, de pauvreté, d’obéissance absolue, pour s’adonner aux soins des malades et à l’éducation des enfans. Ainsi se sont fondées les confréries anglaises de la maison de la Merci et de la société de l’enfant Jésus. Plusieurs hauts prélats dirigent le mouvement, et parmi eux les plus illustres chefs de l’épiscopat. Sur 18,000 clergymen membres de l’établissement, plus de la moitié ont adhéré au principe nouveau. Ce sont les journaux anglo-catholiques eux-mêmes, the Guardian et the Church Times, qui nous fournissent ces renseignemens. De son côté, la Revue d’Edimbourg, qui certes n’est pas suspecte de partialité pour la théologie nouvelle, évalue à plus de 7,000 le nombre des clergymen raliés à la haute-église ; sur ce nombre, plus de 2,000 seraient entièrement entrés dans le mouvement puséiste.

En résumé la théorie anglo-catholique répudie complètement le protestantisme et ses variations. A l’en croire, l’Angleterre et son clergé ont constamment été fidèles à la foi catholique : c’est là un point douteux peut-être, mais pour eux essentiel. Cette doctrine reproduit tous les dogmes admis au Ve siècle et formulés dans les trois principaux symboles. Ne reconnaissant au-dessus d’elle-même que la grande église catholique visible, œuvre de Christ, l’église anglo-catholique proclame que Rome est une sœur et non pas une souveraine ; le pape, aux yeux des évêques tractariens, n’est qu’un évêque comme eux, mais il emprunte à l’antiquité et à l’importance de sa métropole la primatie en Occident et la présidence du concile œcuménique. Laissant aux sectes protestantes les invectives et les colères, devenues ridicules, contre la femme empourprée, ils prêchent union et concorde, tout en affirmant hautement leur propre indépendance. « Soyons doux avec notre sœur de Rome est une expression qui revient souvent dans les ouvrages de la secte. « Que mes frères les évêques de la Bretagne, disait récemment dans une circonstance solennelle un illustre prélat, fassent appel à nos frères bien-aimés de Rome et de Constantinople pour que l’église universelle fixe à jamais la place qui doit revenir dans notre culte à la Vierge, mère de Dieu. »

Mais, en dépit de ces tendances amicales, l’anglo-catholicisme reste ferme contre l’ultramontanisme, qui incarne l’église tout entière en un seul homme. Sans doute l’église d’Angleterre reconnaît que l’unité est d’essence primordiale, mais pour elle cette unité existe dans l’union mystique qui fait un même corps et un grand tout des unités catholiques particulières ; de plus enfin cette unité n’a qu’une seule expression sur la terre, le concile général. En ce