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circonstances les plus pacifiques, — étaient représentées comme des armemens immenses et précipités. Il fallait être cuirassé contre le ridicule pour avoir l’audace d’avouer qu’on ne désespérait point de la paix. En contraste avec cette crédulité à la guerre qui s’était emparée d’une portion du public comme un fanatisme stupide, il s’est produit dans des rangs nombreux des manifestations pacifiques inspirées par les sentimens les plus honnêtes en faveur de la paix. Les représentans les plus éminens des opinions libérales n’ont point cessé un instant d’être pacifiques, et se sont constamment montrés prête à subordonner les sentimens secondaires et les vues particulières des partis aux intérêts supérieurs du patriotisme. Dans le gouvernement, la cause de la paix, d’une paix honorable, parfaitement compatible avec la dignité de la France, a dicté les résolutions décisives. La paix dans la limite des justes exigences de l’honneur du pays a dû avoir des défenseurs convaincus et persévérans dans le ministre d’état et des finances et dans le ministre de l’intérieur : l’un est le représentant obligé des grands intérêts pacifiques du pays ; la mission de l’autre est d’étudier l’opinion publique, de saisir ses tendances et ses vœux, et l’opinion publique a été franchement contraire à une guerre qui ne serait point imposée à la France comme une nécessité d’intérêt et d’honneur. Les plus piteuses figures dans cette crise ont été celles des publicistes qui l’année dernière commirent la faute de prêter à la politique de M. de Bismark un concours naïvement passionné. Ces pacifiques d’il y a un an, par une singulière pente d’esprit, sont devenus cette année des belliqueux à outrance. Une chose vraiment ennuyeuse dans ces polémiques sur les questions de paix ou de guerre et sur la politique extérieure, c’est la rhétorique imperturbablement sérieuse qu’on y apporte. Le style, c’est l’homme, disait Buffon. Le style de la presse contemporaine n’est point la nation. Les écrivains qui se chargent de représenter devant l’Europe l’opinion de la France en seraient des interprètes plus fidèles, s’ils parlaient quelquefois de paix et de guerre sans déclamation et sans emphase, avec un peu de sang-froid souriant et d’orgueil enjoué.

Le bien sort souvent du mal, et il ne serait point impossible que l’échauffourée du Luxembourg amenât quelques résultats heureux pour la conduite générale de l’Europe. Il est maintenant démontré qu’une conférence diplomatique peut être encore bonne à quelque chose. Il est également acquis que l’Angleterre ne s’est point encore séparée de l’Europe, et qu’il est parfois utile d’appeler son concours dans les affaires du continent. L’Autriche et l’Italie ont trouvé là l’occasion de faire du zèle avec à-propos, et de prendre une place importante dans le débat des intérêts européens. L’Autriche s’est vaillamment remise en selle en revenant à sa vieille vocation de diplomatie. M. de Beust, que M. de Bismark, avec un esprit de rancune peu habile et point généreux, avait refusé de voir après Kœniggraëtz, s’est vengé d’ne façon piquante et noble des procédés du ministre