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des choses qui choquent la vue et l’odorat, et révèlent par cela même la funeste influence qu’elles ont sur la santé publique. Tout le monde a lu les descriptions qui représentent Paris au siècle dernier avec les horreurs de sa voirie : un charnier infect au centre de la ville, des eaux croupissantes dans les ruisseaux, des amas d’immondices au milieu des rues. Il n’est même point besoin de remonter si loin dans le passé. Que de villes de province, — et ce ne sont pas les moins importantes, — où les règles de la propreté la plus vulgaire ne sont pas observées ! Veut-on voir pis encore, que l’on passe les frontières ; chaque peuple révélera par l’état de sa voirie le véritable rang auquel il a droit en fait de civilisation, Le dernier degré sous ce rapport, nous le trouverons chez les peuples à allures indépendantes et nomades qui paraissent ignorer la vie municipale. Les tribus sauvages de l’Océanie amoncellent autour de leur campement provisoire avec une coupable insouciance les infimes rebuts de leur nourriture et les déjections de leur existence quotidienne. Les Arabes, plus avancés à d’autres égards, ne sont pas moins imprévoyans. L’agglomération de pèlerins qui se forme chaque année autour de La Mecque a été signalée comme l’une des causes premières d’un redoutable fléau, le choléra, qui ravage ensuite de proche en proche toutes les contrées de l’univers.

En France, la police sanitaire, quoique encore imparfaite, plus par la faute des individus que par celle de l’autorité, remonte déjà loin. Le moyen âge eut ses léproseries ouvertes aux individus atteints par les maladies contagieuses que le grand mouvement des croisades répandit sur l’Europe ; mais cette institution n’avait nul effet préventif. Il faut en venir à la seconde moitié du XVIIe siècle pour trouver le premier exemple d’une consultation de médecins à propos d’une question de salubrité. À partir de ce moment, le domaine, soumis à la surveillance sanitaire, s’élargit graduellement jusqu’à la création, en 1802, des comités d’hygiène publique, qui fonctionnent maintenant en permanence au chef-lieu de chaque département et dans toutes les villes importantes. La nature et l’importance des questions soumises à ces conseils ne laissent aucun doute sur l’utilité du rôle qu’ils ont mission de remplir. Il est notoire que certaines industries condamnent à une mort précoce les ouvriers qu’elles emploient ; mais soupçonne-t-on la gravité des accidens auxquels sont sujettes les personnes étrangères à tout travail industriel, et qui se tiennent à distance des établissemens réputés insalubres ? La fabrication d’un produit pharmaceutique indispensable, la quinine, inflige une maladie spéciale non-seulement aux ouvriers qui manipulent cette substance, mais encore aux habitans du voisinage qui ne pénètrent jamais dans les ateliers. Il