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éparpillées et aussi restreintes devaient s’abandonner sans résistance à un métayage monotone et stationnaire.

Pris en lui-même et partout, le métayage nous apparaît comme une espèce d’amodiation à très courte échéance, où le propriétaire du fonds fournit seul le cheptel, et où il reçoit toujours la rente de la terre en nature. Il ne la reçoit pas en une quantité fixe de produits déterminée une fois pour toutes par le contrat, ce qui est la pire condition, la condition la plus écrasante pour le fermier : son lot dépend des années. D’après l’usage le plus répandu et d’après le sens étymologique du mot métayage, ce lot se compose de la moitié des produits bruts. Le partage par moitié, voilà le système ramené à son expression la plus élémentaire. Le contrat constitue donc ici une sorte d’association, association des plus simples entre le capital et le travail. C’est vrai ; prenons garde cependant à un trait essentiel. L’idée d’association devant l’économie moderne comme devant les principes de la justice implique pour chacune des parties une rétribution proportionnelle à sa mise ; rien de plus, rien de moins. Dès lors, pour stipuler le partage par moitié, le contrat de métayage est obligé de partir de cette hypothèse tout empirique, que la valeur du travail de l’homme appliqué à l’exploitation du sol est égale à la moitié du produit brut, et par contre que la force productive de la terre correspond exactement à la valeur du labeur humain. Dès que les deux contractans, celui qui fournit le sol et l’outillage et celui qui fournit ses bras et son industrie, donnent autant l’un que l’autre, la division des fruits en deux parts égales ne soulève aucune objection. Pure supposition, je l’ai dit, mais qui devient la base mathématique du système.

Que cette arbitraire équation ait été juste à l’origine, qu’elle ait exactement répondu à l’état d’immobilité où languissait une agriculture toujours semblable à elle-même, on peut l’admettre sans la moindre difficulté. Échappé de la veille au servage, qui l’immobilisait lui-même, le métayer du temps de Michel Montaigne par exemple n’aurait certes pas eu l’idée de s’en plaindre, il ne se serait pas même plaint des charges conventionnelles qui réduisaient indirectement sa moitié et témoignaient que l’une des parties avait eu dans le contrat une prépondérance exagérée. Tant qu’il n’y avait point de progrès agricole, point de renouvellement dans les procédés, point d’essais d’aucune sorte, des conditions immuables ne froissaient aucun intérêt. Il peut en être encore ainsi dans certains pays chauds, dans quelques régions du midi de l’Europe où la terre, agissant presque d’elle-même, ne prélève qu’un faible tribut sur le travail de l’homme. En France au contraire et à l’heure qu’il est, la grande difficulté consiste à concilier la base du métayage