Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tive de notre appareil auditif et du nombre infini des combinaisons qu’une gamme aussi riche offre à l’harmonie[1].

L’étude des mouvemens vibratoires faite par Galilée, Newton, Euler et Daniel Bernouilli a dès longtemps fourni tous les élémens pour la connaissance des sons au point de vue de l’intensité et de la tonalité ; mais il y a dans le son une autre qualité, le timbre, qui, lorsque M. Helmholtz en aborda l’examen, défiait encore tous les efforts des physiciens. Le timbre n’a pas besoin d’être défini ; nous savons tous distinguer une note de piano de la même note jouée sur un violon ; nous reconnaissons de même l’a, l’o, l’i chantés par le même chanteur et sur la même note ; les voyelles ne sont, pour ainsi dire, que les timbres particuliers et changeans de la voix humaine. Qu’est-ce donc cependant que cette qualité particulière du son qui ne dépend ni de la hauteur, ni de l’intensité ?

Les physiciens géomètres avaient une réponse à cette question : dans le corps sonore, disaient-ils, chaque molécule est en mouvement et décrit une orbite invisible. La vitesse de la révolution détermine la tonalité, mais la forme même de l’orbite ne saurait être sans influence ; voilà l’élément qui doit déterminer le timbre[2]. C’est là, on doit l’avouer, une de ces explications qui n’expliquent rien : elle ne donne à l’esprit qu’une satisfaction mensongère. On peut bien admettre d’une façon vague que les inflexions plus ou moins rapides, les hérissemens plus ou moins aigus, les courbures plus ou moins amollies de l’onde sonore aient de l’influence sur la qualité du son ; mais où est le rapport direct entre cette géométrie et les impressions que produisent sur nous, des timbres différens ? Je veux savoir pourquoi les soupirs du hautbois diffèrent des frémissemens du violon, des éclats de la trompette, des sons étouffés du cor, des doux nasillement du basson ; je voudrais comprendre en quoi diffèrent les divers jeux de l’orgue, pourquoi ses harmonies peuvent flotter depuis le rugissement jusqu’à des bruits si suaves qu’ils semblent des battemens d’ailes séraphiques, pourquoi son souffle tantôt m’ébranle, me traverse, et tantôt me caresse comme feraient d’invisibles baisers. Si, pour contenter ma curiosité, on lui offre seulement quelques dessins où soient figurées des

  1. Sur quelques orgues, on a construit récemment des tuyaux qui n’ont que 16 vibrations par seconde ; mais des notes si basses, de même que les plus hautes, ne produisent sur l’oreille que des effets peu satisfaisans ; elles ne doivent être employées que rarement et comme des auxiliaires des octaves supérieures.
  2. On sait que, pour représenter aux yeux les mouvemens vibratoires, on les figure par des courbes sinueuses pareilles à celles qu’offrent à la surface de l’eau des ondes successives : la hauteur de l’onde peint au regard l’intensité du son, la longueur de l’onde figure la vitesse de la vibration et par conséquent la tonalité ; la forme enfin de l’onde, variable à l’infini, représenterait le timbre.