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n’était comptable qu’envers lui-même, seul rôle au fond digne de lui. Il devait s’en tenir là. Comment et par quel goût du compliqué est-il sorti d’une situation d’abord si simple ? On se l’explique difficilement, toujours est-il qu’on en est sorti, et voici ce qu’on a imaginé : pour ne pas dépasser, quoi qu’il arrivât, la limite des crédits ouverts et parer pourtant à l’imprévu, on a créé un fonds de réserve ou plus exactement un fonds de garantie à demander au public jusqu’à la concurrence de 8 millions, ce qui, avec les 12 millions officiels, portait à 20 millions la disponibilité des ressources. C’est ainsi que l’exposition, au lieu d’être simplement un concours, est devenue pour la seconde fois une affaire. Seulement, au lieu d’associés en nom, ce qui est une charge et une gêne, on a cherché des bailleurs de fonds plus commodes et moins bien armés. On en avait de tout trouvés et jusqu’à un certain point d’assujettis dans les couches supérieures de l’industrie ; on leur a proposé de s’associer aux chances de l’entreprise comme participans et comme garans au moyen d’une combinaison empruntée au régime des compagnies d’assurances, la souscription sans versement immédiat. Point de coupure fixe d’ailleurs, chacun a pu se taxer à son gré, et il demeurait convenu que les sommes ainsi garanties seraient couvertes par l’abandon des premières recettes. En fin de compte, tout sera réglé au marc le franc : s’il y a bénéfice, les souscripteurs se le partageront ; s’il y a perte, elle sera répartie entre eux ; cette opération de circonstance se terminera, comme tous les actes de commerce, par une liquidation.

A tout prendre, ce n’est pas le procédé en lui-même qui est défectueux. Qu’une exposition soit l’œuvre d’une spéculation privée, rien de plus naturel et dans beaucoup de cas rien de meilleur. L’exemple de l’Angleterre et de l’Amérique du Nord en fait foi ; mais l’élément de vie d’une spéculation privée est une liberté entière : comme elle agit à ses risques et périls, il faut qu’elle dispose pleinement d’elle-même et marche à son but par les voies qui lui conviennent. Maîtresse absolue de ses moyens, elle répond en même temps de ses actes, et si elle commet des erreurs ou cause des scandales, c’est à elle seule qu’on peut les imputer. Voilà ce qu’est la spéculation privée dans les pays qui la prennent au sérieux ; ce qui n’en est que la contrefaçon, c’est le système mal venu que la commission impériale a en définitive adopté : l’état se donnant des associés de passage sans se dessaisir d’aucun de ses pouvoirs, tenant les cartes pendant qu’ils font le jeu, les déchargeant de tout souci, pourvu qu’ils délient leurs bourses dans le cas où les recettes n’iraient pas au niveau des dépenses. S’il y a en ceci une spéculation privée, on peut dire qu’on l’a traitée