Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 69.djvu/900

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

litres de bière. Le Français mange, paraît-il, 150 kilogrammes de froment, 60 kilogrammes de seigle, 19 kilogrammes de viande, 120 kilogrammes de pommes de terre, 60 kilogrammes de céréales diverses, et il boit 45 litres de vin[1]. La consommation totale du Prussien serait de 491 kilogrammes, et celle du Français de 409 kilogrammes ; mais celui-ci mange principalement du froment, et l’autre surtout du seigle et des pommes de terre. La population française tire ainsi du sol une nourriture plus légère, plus substantielle, produisant du sang et non de la lymphe. De là proviennent, le climat et la race aidant, ses formes légères et dégagées, son teint chaud et coloré, sa démarche élastique, son humeur enjouée, sa verve et son entrain. Sous un climat froid et sous un ciel privé souvent de soleil, l’Allemand du nord a dû se contenter d’une masse considérable d’alimens indigestes qui alourdissent le corps et appauvrissent le sang ; pour arriver à la vigueur et à la beauté de la race anglaise, qui a la même origine que lui, il devra s’appliquer à produire autant de viande que l’Angleterre, afin que la succulence de la nourriture animale compense la qualité inférieure des produits végétaux. Il faut que l’homme métamorphose les plantes en chair afin d’emprunter à la terre les forces nutritives qu’elle renferme sous la forme la plus condensée. La production totale de l’agriculture en Prusse était estimée en 1860 à 583,509,416 thalers ou 2,184,258,000 francs ; celle de la France à plus de 4 milliards 1/2, non compris des deux côtés les produits non alimentaires, comme les laines, les peaux. La population et l’étendue de la France étant presque le double de celles de la Prusse de l’an dernier, la production par tête et par hectare est environ la même de part et d’autre, quoique probablement un peu plus élevée de ce côté-ci du Rhin. Seulement, comme nous le verrons, le progrès agricole marche plus vite là-bas qu’ici, de sorte que l’égalité relative sera bientôt établie.


II

La division de la propriété, la situation agraire, offrent en Prusse des traits bien différens, de ceux qu’on rencontre dans l’Europe occidentale, en France, en Belgique, dans les Pays-Bas ou en Angleterre. Il faut les connaître, si l’on veut se rendre compte de la vie politique de ce pays, des résultats qu’ont donnés les dernières élections et de ceux qu’on peut attendre dans l’avenir. Au moyen âge, le nombre des paysans propriétaires était relativement

  1. Voyez la Statistique de la France, par M. Maurice Block.