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subtilité d’esprit et le goût de la discussion, qui sont propres aux Orientaux, peuvent devenir une source d’embarras et de lenteurs dans l’expédition des affaires. Nous n’hésitons pas à avouer que la constitution arménienne est susceptible de bien des critiques de détail ; mais ces critiques sont dominées par une objection préjudicielle. La nation était-elle préparée à une réforme aussi absolue ? N-a-t-elle pas été appelée prématurément à l’exercice de droits dont elle n’a pas encore pleinement la conscience ? C’est à l’avenir de répondre à cette objection et de montrer jusqu’à quel point elle est fondée. En attendant, cette œuvre de fraîche date a été retouchée en partie, et il y aurait à faire une histoire assez curieuse des variations par lesquelles elle est passée en très peu de temps. Il est impossible de nier que la lumière n’a pas encore pénétré dans la profondeur de la masse des Arméniens, et que l’expérience de la vie publique leur fait défaut ; mais ils ont la ferme volonté de l’acquérir, et la preuve en est dans les efforts et les sacrifices qu’ils se sont imposés pour répandre l’instruction parmi eux.


II

On a vu que les agitations qui ont si vivement remué la société arménienne se sont élevées au sujet d’une question d’enseignement public. Ceux qui sont disposés à lui prodiguer le blâme plutôt que l’éloge conviendront sans doute que ces mouvemens ont été le résultat d’une noble et intelligente pensée. Les tentatives faites pour améliorer le régime des anciennes écoles et pour en fonder de nouvelles montrent combien les Arméniens attachent du prix à faire fleurir parmi eux les institutions qui ont pour but d’éclairer et de moraliser le peuple. Ces créations, ont été l’œuvre de la nation obéissant à une impulsion spontanée, s’aidant de ses propres ressources. La Sublime-Porte, de qui dépend la faculté d’accorder ou de refuser l’autorisation d’ouvrir de nouvelles écoles, lui laissait à cet égard toute latitude, et montrait les dispositions les plus bienveillantes.

Chez tous les chrétiens de l’empire, l’enseignement est par le fait et tout naturellement dans le domaine exclusif des chefs religieux ou civils de chaque, communauté. Chez les Arméniens, l’école est une annexe obligée de la paroisse, le plus souvent même elle est bâtie dans la cour de l’église. C’est à l’ombre du sanctuaire où sont enseignés les vérités de la foi chrétienne et les préceptes évangéliques que s’élève, le modeste asile où les générations viennent tour à tour s’initier à la connaissance des élémens du savoir humain.