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LA
QUESTION DES SALAIRES
ET DES GREVES

La question des rapports entre le capital et le travail touche à tant d’intérêts si divers à la fois et si respectables, que la société tout entière prête une oreille inquiète au moindre débat qui s’élève entre patrons et ouvriers, même dans la plus obscure industrie. Il ne faut pas s’en étonner : depuis plus de trente ans, toutes les fois que, par un chômage imprévu, ce problème vital a été posé, on a vu éclater d’un côté des convoitises immodérées, de l’autre des frayeurs excessives et de toutes parts des passions violentes, malheureusement exploitées avec une impitoyable habileté par les factions politiques. L’avenir ressemblera-t-il au passé ? La loi nouvelle qui permet les coalitions pacifiques aura-t-elle pour effet de dégager dans ces conflits la responsabilité des pouvoirs publics ? En d’autres termes, s’accoutumera-t-on à l’idée que l’état ne doit à personne rien de plus que la liberté ? Pendant les dernières grèves, les ouvriers ont manifesté l’intention de se borner à la discussion de leurs affaires, et dans leurs réunions nombreuses le calme avec lequel ils ont délibéré prouve qu’ils n’ont pas le dessein de laisser les coalitions dégénérer en mouvemens révolutionnaires.

Il s’en faut de beaucoup cependant que l’ordre qui a présidé à ces conférences des ouvriers ait rétabli la confiance parmi les patrons. Tel est même le trouble causé par la simultanéité des grèves que plus d’un capitaliste voit dans cette apparente tranquillité un symptôme plus redoutable que ne le serait un désordre violent.