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et se prolongent même jusqu’à la mer. L’une d’elles, profonde de cent pieds, traverse la ville de Brousse. L’épithète homérique « aux nombreux sommets, » qui semble d’abord convenir plutôt à l’Olympe de Thessalie, dont les chants klephtiques célèbrent encore les soixante-deux cimes, s’applique aussi à celui d’Asie. En effet, les ravins descendant du haut en bas de cette montagne s’enfoncent entre des arêtes de rochers qui se dressent avec une vive saillie jusqu’au sommet le plus élevé, qu’elles ne dépassent point, car autrement l’Olympe aurait l’aspect d’une sierra ; mais le relief de ces arêtes est assez marqué pour se distinguer du faîte commun où elles aboutissent toutes et le long duquel elles se groupent. Enfin c’est toujours l’Olympe « neigeux, » qui jamais ne perd sa blancheur, même dans les mois d’été, l’Olympe lumineux, étincelant et rayonnant.

On le voit, il réunit les caractères d’une incontestable beauté. Par la structure, il a l’unité, la régularité, la noblesse d’une œuvre architecturale. Avec ce long sommet droit vers lequel montent en lignes parallèles les replis uniformes de ses versans, il rappelle les grands temples doriques, dont les colonnes, légèrement inclinées comme les plus hautes pentes d’une montagne, soutiennent sans effort la masse de l’entablement. Comme un véritable monument, l’Olympe asiatique apparaît isolé de toutes parts. Du côté de la mer de Marmara, il est le dernier soulèvement du rameau qu’il termine. A son autre extrémité, vers les frontières de l’ancienne Phrygie, il se sépare aisément par son élévation même des chaînons souvent interrompus qui le rattachent au système central du Taurus. Cet avantage en quelque sorte esthétique n’a pas été donné à tous les monts sacrés de l’antiquité. Ainsi les deux cimes du Parnasse, enveloppées dans le massif des montagnes de Phocide, ne se montrent aux navires qui longent le golfe de Corinthe qu’en face de la baie de Salone et de ce vallon étroit qui conduit à Delphes. Cependant à droite et à gauche, en dehors de cette petite anse qui s’enfonce entre des rochers brûlés par le soleil, la double crête neigeuse ne tarde pas à disparaître derrière les ramifications que le Parnasse envoie en des sens très divers sur la côte ; mais l’Olympe, solitaire et écarté comme un sanctuaire, était particulièrement propre à devenir le temple de tous les dieux et le trône de Jupiter.

La plaine de Brousse, qui lui sert de marchepied, est une véritable terre promise. On y voyage encore à travers des bosquets de chèvrefeuilles, de lauriers-roses et de jasmins. De toutes parts l’eau bruit et se déroule au soleil en larges nappes, ou tombe en cascades et fuit à l’ombre des peupliers, des cyprès et des figuiers. De larges avenues de noyers gigantesques conduisent aux bains, qui sont alimentés, par des sources chaudes jaillissant dès premiers contre-forts de la montagne. Les arbres cultivés se pressent autour