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laissé autour de Mantoue, entrait en mouvement, les deux divisions Cerale et Sirtori, du 1er corps, formant la gauche sur les hauteurs, les divisions prince Humbert et Bixio, du 3e corps, formant l’extrême droite vers Villafranca, Brignone marchant au milieu, bientôt suivi de Cugia et Govone. Custoza apparaissait bien ainsi comme le point central de ce grand déploiement.

C’eût été fort bien, si cette ligne assez étendue n’avait eu en face d’elle une force de près de 80,000 hommes concentrée sur un espace de 7 ou 8 kilomètres, justement dans les positions qu’on voulait atteindre, si l’inégalité des distances que les corps avaient à parcourir n’avait laissé place à quelque incohérence, si enfin les contre-temps n’étaient venus ; mais ces contre-temps ne tardaient pas à se produire, ils se multipliaient, et le premier de tous était l’encombrement des routes, obstruées d’une immensité de bagages. Chaque général traînait avec lui son pesant attirail, chose d’autant plus dangereuse qu’aux équipages militaires se joignaient des trains bourgeois, toujours prompts aux paniques et aux débandades. Seul, le général Brignone, guidé par son instinct, ne pouvant se résoudre à croire que l’armée autrichienne fût aussi loin qu’on se plaisait à le dire et livrât sans combat des positions si fortes, Brignone profitait du vague de ses instructions, qui ne prescrivaient rien à ce sujet, pour laisser tous ses gros bagages sur la rive droite du Mincio, avec laquelle on restait toujours en communication. En outre de la précipitation et du trouble de ces premiers mouvemens il résultait que toutes les divisions n’eurent pas leurs distributions, et quelques-unes allaient combattre pendant toute la journée sous une chaleur accablante sans avoir mangé.

Ce n’est pas tout : au moment même du départ, des contretemps bien plus graves survenaient à la gauche de l’armée. Cerale, en débouchant de Monzambano, avait appris qu’il ne pouvait suivre le chemin ordinaire conduisant directement à la route de Valeggio à Castelnovo sans passer sous le feu d’un des ouvrages avancés de Peschiera. Le chef de son avant-garde, le général de Villarey, avait trouvé, il est vrai, à peu de distance, un autre passage à peu près direct à travers les hauteurs, et dès quatre heures du matin il était à son poste, auprès du chemin sur lequel la division avait l’ordre de déboucher. Le général Cerale jugea peut-être ce passage trop difficile ou ignora d’abord la direction qu’avait prise le général de Villarey, et il crut tout simple de redescendre jusqu’à Valeggio pour remonter de là par la route large et facile de Castelnovo. Ce vieux soldat piémontais, de simple tambour devenu général par cinquante ans de service, plein de bravoure, connu dans l’armée pour sa ponctualité, mais ayant plus de courage que de tête, Cerale, pour la première fois peut-être de sa vie, prenait le droit d’interpréter un