Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/1057

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’eau jailli par celui de Passy. La nappe artésienne qui règne au-dessous de Paris dans la région souterraine des sables, verts est une ressource accessoire que l’on aurait tort de dédaigner ; il serait fâcheux de ne compter que là-dessus pour fournir à 2 millions d’individus un approvisionnement régulier et suffisant.

En définitive, c’est en dehors de l’enceinte de Paris et même à une très grande distance de ses murs qu’il faut aller chercher l’immense quantité d’eau que la grande ville exige pour ses ablutions quotidiennes. Nous avons vu plus haut que d’autres cités ont reconnu de même la nécessité de s’approprier des sources lointaines. Toute vaste agglomération humaine sent le besoin de drainer à son profit le territoire qui l’environne, de même qu’elle attire les fruits de la terre sur ses marchés. D’un autre côté, en étudiant les mesures relatives à l’assainissement des centres de populations nous avons constaté la tendance des villes à se débarrasser aux dépens de leur banlieue des innombrables germes d’infection qui pullulent dans leur sein, les immondices des égouts, l’air insalubre des usines, les émanations fétides des cimetières. Le voisinage d’une grande ville devient une sujétion de plus en plus lourde pour les campagnes d’alentour. La ville de Paris n’est plus comme autrefois un être isolé dont les intérêts s’éteignent sur l’étroite périphérie de son territoire municipal ; elle achète en Champagne des sources pour désaltérer et laver ses habitans, des terrains près de Pontoise pour y établir ses nécropoles ; elle infecte la Seine inférieure avec les résidus de sa voirie, elle étend au loin ses réseaux intérieurs d’aqueducs et d’égouts, bras immenses, qui aspirent une eau pure et refoulent un liquide pollué par les usages de la vie. L’incessante mobilité de sa population affairée, la circulation bruyante des chemins de fer qui s’y terminent, n’égalent pas, en tant que poids et quantité, le mouvement invisible et silencieux de ces centaines de mille tonnes d’eau claire qui coulent dans les veines de ce grand corps, et y maintiennent la propreté, la fraîcheur et la santé.


H. BLERZY