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provinces chrétiennes de la Turquie, sans qu’ils en soient informés, et sans qu’on s’efforce de les y associer. Leurs adversaires agrandissent eux-mêmes leur importance par le don d’ubiquité qu’ils leur prêtent et par d’étranges méprises. Une des plus bizarres erreurs de ce genre est celle qui a été commise à Londres, il y a quelques mois, à l’égard de Mazzini. Des prières publiques furent adressées au ciel par le clergé catholique de Londres pour que la vie de Mazzini, qu’on disait moribond, fût prolongée jusqu’au jour de sa conversion ! Mazzini ne s’était jamais mieux porté ; il allait et venait dans Londres suivant ses habitudes. La force de Mazzini et de Garibaldi à Rome est dans les comités qui relèvent d’eux. Ces élémens latens d’insurrection ont été organisés par eux au moment même où ils furent forcés de quitter Rome, et ont toujours subsisté depuis sous les noms de comité national, d’association italienne, de comité d’insurrection, etc. Ces comités, qui ont été souvent divisés entre eux, viennent de se dissoudre, subordonnant leurs dissentimens à l’œuvre commune et faisant place à la dictature assumée par Garibaldi avec une demi-publicité. Après la guerre de l’année dernière, des hommes du parti de l’action excitaient Garibaldi à marcher sur Rome avec les nombreux bataillons de volontaires qu’il commandait. Le général résista nettement à ces conseils, se plaignant de l’abandon dont il avait été victime à Aspromonte. A-t-il changé de résolution ? les troubles excités par l’agitation de la question, romaine ne lui paraissent-ils point un encouragement ? Quand on lit les paroles prononcées sur Rome par les intelligences les plus hautes et les plus modérées du sénat italien dans la discussion de la loi sur le patrimoine ecclésiastique, il est impossible de n’être point frappé des progrès qu’a faits la question du pouvoir temporel. Le sénateur Matteucci, par exemple, vient de revendiquer l’affranchissement de Rome avec une éloquence élevée. « Est-il possible aux Italiens, a-t-il dit, de penser avec indifférence au sort des Romains ? Le gouvernement peut-il voir avec indifférence un état de choses qui menace constamment nos rapports avec la France, l’indépendance de l’Italie, et excite les Romains à s’insurger ? Mais ce n’est pas tout. On ne peut nier que ce peuple même au temps de son esclavage, ne soit resté à la tête de la civilisation par ses découvertes et son génie. C’est en Italie et ici même qu’on a fait la plus grande découverte, celle de l’esprit scientifique, et de la méthode expérimentale, découverte impérissable qui remplit le monde de ses bienfaits. Or c’est cette découverte que Rome s’obstine à combattre en condamnant les meilleurs ouvrages de l’esprit humain. » On ne saurait se dissimuler que c’est cette maturité de la question romaine qui vient de donner à M. Rattazzi ses succès parlementaires. L’appui que la gauche lui prête n’a d’autre justification que l’espérance d’une solution prochaine. Le moment du voyage du général Dumont ne pouvait donc être plus mal choisi, puisqu’il devait