Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qui portent dignement l’héritage de nos maîtres morts ; MM. Cavelier, Thomas, Perrot, Carpeaux, Dubois, Maillet, Crauck, Ottin, Carrier-Belleuse, Guillaume, Barye, forment un groupe d’excellens artistes où chacun, selon ses aptitudes, combat pour l’honneur du drapeau. Le public paraît se préoccuper beaucoup de la sculpture italienne : il est attiré par un spectacle nouveau et s’y arrête avec complaisance. Il a tort ; il est dupe de ce qu’on appelle un trompe-l’œil. Ce qui le frappe dans les statues venues d’Italie, ce qui retient son attention, ce n’est point l’habile disposition des lignes, ni l’ordonnance générale, ni la beauté du type, ni même la grandeur du sujet, encore moins la grandeur de l’interprétation ; c’est l’exécution, l’exécution seule, c’est-à-dire, l’œuvre du praticien, le travail de l’ouvrier et non pas la conception de l’artiste. Dans le Dernier jour de Napoléon Ier de M. Vela, le jabot, la robe de chambre, la couverture, sont exécutés merveilleusement, mais c’est à peu près tout : travail de râpe et de ciseau. Ce que nous disons de l’un peut s’appliquer à tous : les colombes sont pratiquées plume à plume, les fleurs pétale à pétale, la paille des chaises (la leggitrice) brin à brin ; mais c’est l’outil qui a fait ces tours de force, la main y est pour peu de chose, et le cerveau pour rien. À ces œuvres prétentieuses et qui sentent trop la substitution du métier à l’art, je préfère la façon simple, un peu froide, mais très élevée dont nos sculpteurs comprennent la statuaire. En Italie, le principal mérite revient au praticien ; chez nous, il appartient à l’artiste.

Il est temps de conclure. L’exposition universelle des beaux-arts affirme et consacre la supériorité de notre pays. L’Allemagne et la Belgique nous opposent, il est vrai, M. Kaulbach et M. Leys. Il faut avouer que personne en France n’est capable d’ordonner une composition historique comme M. Kaulbach, et que M. Henry Leys a des qualités de facture et de vérité observée que nous n’avons pas ; mais par le nombre de nos artistes de talent, par la hauteur où s’est élevée notre école de paysagistes, par la force de nos sculpteurs, nous restons les maîtres. Il n’est peut-être pas modeste de le dire avec cette verdeur, mais le fait est tellement indiscutable qu’il serait puéril de chercher à l’atténuer. Néanmoins, si nous avons le droit d’être fiers en nous comparant aux autres, nous devons reconnaître que relativement à nous-mêmes, relativement au grand mouvement qui s’est fait depuis le commencement du siècle, nous sommes en décadence, et c’est à quoi il faudrait remédier au plus vite. Il ne suffit pas d’être les plus forts, il faut être fort sans comparaison, au point de vue absolu. Un artiste qui concevrait comme M. Kaulbach et qui exécuterait comme M. Leys serait bien près de