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s’associaient toujours à de graves désordres. On se demanderait aujourd’hui s’il était possible de s’attendre à autre chose ; mais tel n’était pas le point de vue prophétique, et il ne faut pas trop s’étonner de retrouver huit siècles avant notre ère une explication des calamités nationales encore prônée aujourd’hui en pleine civilisation par des esprits qui passent pour supérieurs.

Nous ne suivrons pas le prophète Ésaïe dans les nombreuses prédications que lui inspira la guerre dirigée par les alliés du nord contre le royaume de Juda[1], Rezin, roi de Syrie, et Pékah, roi d’Éphraïm, battirent les armées d’Achaz, conquirent toutes les villes de Juda à l’exception de Jérusalem, dont la position stratégique, bien jugée par le roi David, était très forte, et devant laquelle ils mirent le siège. Pendant ce temps, Rezin enleva aux Juifs leurs possessions d’au-delà du Jourdain jusqu’à la Mer-Rouge, et intercepta ainsi le courant commercial qui, de cette mer, faisait affluer tant de richesses dans les murs de la capitale juive. De plus les vieux ennemis de Juda, les Philistins et les Édomites, profitèrent de l’occasion pour faire impunément des razzias dévastatrices et s’arrondir aux dépens de leurs rivaux, réduits à l’impuissance. Toutefois il est probable que, grâce aux fortifications de Jérusalem et moyennant patience, Achaz et les Juifs auraient fini par lasser leurs envahisseurs et reconquérir l’avantage. À cette époque reculée, en présence des attaques impétueuses, mais désordonnées d’ennemis mal organisés et toujours exposés aux chances d’une dissolution intestine, le grand point, lorsqu’on avait essuyé des revers, était de gagner du temps. Achaz manqua de confiance, il se crut perdu ; c’est en vain qu’il avait sacrifié aux dieux de Damas, en vain qu’il avait immolé l’un de ses fils. Dans son épouvante, il eut recours à une manœuvre momentanément couronnée de succès, mais dont les suites amères ne tardèrent pas à se faire sentir : il acheta à prix d’or l’alliance du roi d’Assyrie, ou plutôt se fît son tributaire. C’est le moment où l’histoire d’Israël, jusqu’alors renfermée dans un cercle très étroit, se ramifie avec l’histoire universelle pour ne plus s’en détacher.

Tandis que les petits peuples du littoral syrien et palestin de la Méditerranée s’épuisaient dans des luttes sanglantes et sans issue, un empire immense se formait de toutes pièces à l’intérieur de l’Asie, et rapprochait comme à vue d’œil de leurs frontières ses lignes envahissantes. L’Assyrie et sa capitale Ninive allaient atteindre l’apogée de leur splendeur. Nous touchons ici à l’un des domaines les plus curieux et le plus récemment exploités de la science moderne. Tout le monde connaît, au moins par ouï-dire, les beaux

  1. Voir les chap. I — X, 4.