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si fière, trahit ses efforts. Une crue subite des eaux fit crouler tout un côté des fortifications, et l’ennemi entra par cette brèche sans coup férir. A la prédominance si longtemps écrasante de l’empire assyrien succéda pour un temps la triple monarchie des Lydiens, des Mèdes et des Chaldéens.

Cette dernière monarchie eut pour capitale Babylone, et bientôt, sous le sceptre de Nébucadnetzar[1], un des hommes les plus remarquables de la haute antiquité, devint aussi dangereuse pour la liberté de ses voisins qu’avait pu l’être la monarchie assyrienne. La pauvre Judée se vit de nouveau condamnée à pâtir entre les ambitions et les craintes réciproques de l’empire chaldéen et de l’Égypte. Le roi égyptien Nécho (610-595) débarqua au nord de la Palestine avec une armée formidable, et Josias, qui ne voulait d’aucune servitude, qui probablement même avait entrevu la possibilité de rester en bons termes avec le roi chaldéen, à la condition de bien garder la frontière égyptienne, vint offrir la bataille à Nécho dans la plaine historique de Megiddo. Il fut complètement battu, et resta parmi les morts. Son fils Joachas fut emmené captif en Égypte, et Nécho lui substitua l’un de ses frères nommé Jojakim. Désormais on ne pouvait plus, comme aux jours d’Ésaïe, nourrir la conviction que Jérusalem était imprenable, et les malheurs nationaux que Josias n’avait pu prévoir ni empêcher portèrent un coup fatal au monothéisme. De nouveau l’idolâtrie reprit faveur. Nécho, il est vrai fut battu à son tour par Nébucadnetzar, et Jojakim alors se soumit forcément au Chaldéen, mais pour renouer trois ans après avec l’Égypte. Ce prince mourut au moment où Nébucadnetzar accourait pour le châtier de sa défection. Son fils Jéchonias fut interné à Babylone, et son frère Sédécias revêtu de l’autorité suprême. En même temps eut lieu la première déportation de Juifs sur les bords de l’Euphrate (597) ; mais quatre ans après Sédécias crut pouvoir entrer avec ses voisins dans une coalition contre Babylone, ce qui ramena Nébucadnetzar en Palestine. Jérusalem fut prise malgré une défense opiniâtre, et son roi eut les yeux crevés après avoir assisté au supplice de ses fils ; le vainqueur mit le feu au temple et à la ville et toute la population, à l’exception de quelques pauvres laboureurs, fut transportée dans les plaines de la Chaldée. Elle devait y rester plus de cinquante ans.

Dans cet intervalle, l’empire chaldéen s’accrut encore en étendue et en puissance. Nébucadnetzar était un roi civilisateur aussi bien que conquérant ; il fit exécuter d’immenses travaux pour la

  1. Nabu-kudurri-uzur, Nébo protecteur des frontières (Rawlinson) ou de la jeunesse (Oppert).