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sortis tout à fait de la mémoire de nos lecteurs. Ils peuvent donc aisément imaginer l’effet produit sur le saint-père par la lettre que Napoléon lui avait, le 15 janvier 1806, adressée de Munich. Pie VII résolut de répondre à cette lettre le plus promptement possible de sa propre main et dans la forme la plus confidentielle. Peut-être les terribles menaces qui remplissaient cette étrange missive avaient-elles été arrachées à l’empereur par un premier mouvement d’humeur involontaire : il ne serait alors ni généreux ni sage de s’en montrer outre mesure offensé. Si le saint-siège était au contraire exposé à s’entendre bientôt adresser par la voie officielle des sommations auxquelles la conscience du père commun des fidèles ne lui permettrait pas d’obéir, ne valait-il pas mieux s’efforcer de les prévenir par des explications aussi franches que précises ? Un sincère désir de conciliation et de paix, qu’altérait à peine le pénible sentiment de sa dignité froissée, inspira cette fois encore le pontife romain.

« Nous nous devons à nous-même, disait Pie VII dans sa lettre datée du 29 janvier 1806, nous nous devons à nous-même et à la vérité, ainsi qu’à l’attachement que nous portons à votre majesté, de lui déclarer que nous n’avons jamais eu l’intention de renvoyer son ministre lorsque nous nous sommes adressés à elle pour obtenir l’évacuation d’Ancône. Notre dessein était de bien lui faire sentir la nécessité où nous nous trouvions de détruire absolument chez les Russes, dont les hostilités menaçaient nos états, la croyance que cette occupation avait eu lieu de notre consentement…… La candeur de notre caractère, bien connue de votre majesté, lui garantit que telle était notre unique pensée ; nous l’avons d’ailleurs fait connaître dans le moment même à son ministre à Rome….. Que votre majesté veuille bien se reporter à l’époque où fut écrite notre lettre du 13 novembre, elle verra que nous la savions arrivée aux portes de Vienne, et que nous connaissions dès lors les glorieux exploits de son armée et comment son grand génie avait déjà décidé en réalité du sort de la guerre. Ainsi donc, ni nous-même ni d’autres, nous n’avons jamais cru votre majesté perdue, ainsi qu’elle le reproché dans sa lettre. Une pareille pensée ne pouvait entrer dans notre cœur, non-seulement parce qu’elle est indigne de nous, mais parce que notre manière de voir et l’attachement que nous portons à la personne de votre majesté nous l’eût rendue trop pénible à supporter…… Si quelquefois le devoir de notre ministère a opposé une barrière invincible aux désirs de votre majesté (ainsi qu’il est arrivé à l’égard du mariage de son frère), c’est uniquement parce que nous n’avons rien trouvé dans les lois divines qui nous autorisât à suivre le penchant naturel de notre cœur, et vptre majesté