Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il avait pour complice la plus grande partie de la diplomatie française, qui de loin, dispersée dans les cours, voyait les événemens mieux qu’on ne les voyait à Paris dans le tourbillon des factions contraires, qui donnait autant qu’elle recevait l’impulsion et comptait alors des hommes actifs, dévoués, tout pleins de cette pensée d’une grande action nationale. Esprit résolu et cœur chaud, vaillant capitaine et intelligent négociateur, Gaspard de Schomberg était au-delà du Rhin avec la mission de répéter aux princes d’Allemagne que le roi voulait « se gouverner à l’endroit du prince d’Orange ainsi qu’eux se gouverneraient, » tout prêt à se déclarer ouvertement ou à « fournir par-dessous main hommes et argent. » M. du Ferrier était à Venise ; l’évêque de Dax, M. de Noailles, habile et brillant diplomate, était à Constantinople pour renouer les traditions d’alliance dans le Levant et soutenir les Turcs contre l’Espagne. Sa nomination avait fait un peu scandale à Rome. Un évêque envoyé comme ambassadeur en pays turc contre la sainte ligue de l’Espagne et du pape ! M. de Noailles fut menacé d’être cité devant l’inquisition ; il en prenait son parti légèrement, et il écrivait au roi : « Je n’ai jamais pensé que mon nom fût connu de sa sainteté, sinon depuis que votre majesté m’a faict cet honneur de me commettre cette charge ;… mais en ceci il n’y va rien du mien, Dieu mercy, et si dirai davantage que le pape me faist beaucoup plus d’honneur que s’il m’avoit vestu tout de rouge, car n’aiant jamais esté cité ni adjourné de luy, il ne sçauroit en meilleurs termes vous faire connoître qu’il ne me hait que pour votre service, dont toutesfois il ne me sauroit dégouster pour cela… » L’évêque de Valence, Montluc, le frère du maréchal, était envoyé en Pologne, où il allait disputer la couronne des Jagellons en homme fin, « délié, rompu et corrompu, » selon le mot de Brantome. Un peu partout, dans leurs missions différentes, tous ces hommes étaient les serviteurs intelligens de la fortune de la France. Ils avaient le clair instinct de nos intérêts ; ils sentaient que le moment était venu de mettre la main à quelque grande entreprise, que la première condition de cette œuvre de diplomatie et de guerre c’était la tolérance à l’intérieur, et ils assiégeaient la cour de leurs pressans avis.

Le vrai héros de cette politique et celui qui devait en être aussi la première victime, c’était l’amiral de Coligny, le chef du parti protestant depuis la mort du prince de Condé, le Guillaume d’Orange de la France, si l’état de la France eût comporté un Guillaume d’Orange. Coligny avait plus de cinquante ans à cette époque et venait de se remarier avec une jeune veuve de Savoie, Jacqueline d’Entremont, au même instant où il donnait sa fille, Louise