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les Luxembourg et les Hapsbourg, l’antagonisme se poursuivait par la guerre ou par la diplomatie. Il était tantôt indirect, par l’appui que les empereurs prêtaient à l’ordre teutonique, tantôt direct, comme en Bohême et en Hongrie, où la république polonaise et l’empire se heurtaient violemment. L’histoire du XVe et du XVIe siècle est pleine de ces luttes où la fortune fut plus d’une fois incertaine, et où la maison de Hapsbourg portait cette persévérance obstinée, cette souplesse de mouvemens, cette fertilité de combinaisons et d’expédiens qui ont fait sa grandeur avant de la conduire aux plus cruels revers. Pour la politique impériale, la Pologne n’était pas seulement une puissance dont elle enviait les agrandissemens ; la république polonaise représentait un principe différent, une force morale et matérielle tenant ses ambitions en échec. M. de Noailles peint d’un trait juste et net les côtés supérieurs de cette situation. « Au XVe et au XVIe siècle, dit-il, s’agita une grande question. La Hongrie et la Bohême seraient-elles absorbées par les Hapsbourg et la race allemande, ou bien se rangeraient-elles du côté des Slaves et de la liberté en gravitant vers la Pologne ? Une communauté d’intérêts et un même génie politique, une même origine quant à la Bohême et presque une même langue rapprochaient ces deux royaumes de la Pologne. En Bohême et en Hongrie, comme sur les bords de la Vistule, dominait le principe de l’électivité du trône. La Pologne était la colonne et le centre de ce système politique où le roi ne pouvait gouverner qu’avec les conseils d’une aristocratie et de sénateurs, tandis que la nation était appelée à chaque instant à manifester ses volontés par les diètes… La maison d’Autriche personnifiait au contraire, en regard de la Pologne, un principe opposé, celui du droit dynastique supérieur à toute intervention nationale, et dont la conséquence extrême devait être forcément l’absolutisme. L’Autriche se trouvait aussi représenter les prétentions de la race allemande sur la race slave. »

On ne peut débrouiller d’un trait plus aisé la confusion de ces vieux antagonismes européens. La pensée invariable de l’Autriche, c’était de rendre héréditaires les couronnes sur lesquelles elle mettait la main, et la Pologne devenait naturellement le bouclier, l’appui des libertés menacées, de ce qu’on appellerait aujourd’hui les nationalités. Tout ce qui affermissait ou fortifiait la république polonaise ne pouvait que troubler les desseins de la politique impériale et d’un autre côté tout ce qui comblait les ambitions des Hapsbourg ne pouvait qu’être une menace pour la Pologne. Dans cette lutte ainsi engagée, l’Autriche se servait de tous les moyens. Quand l’ordre teutonique fut vaincu, elle se tourna vers les