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JEAN CHRYSOSTOME
ET
L’IMPÉRATRICE EUDOXIE

La chute d’Eutrope, cet eunuque tyran de l’empereur et de l’empire, ne rendit ni l’empereur à la possession de lui-même, ni l’empire à la liberté[1]. Peu soucieux du bien, comme on le sait, Eutrope n’avait guère fait au temps de sa toute-puissance que deux bonnes actions, et ces bonnes actions le perdirent. D’abord il était allé chercher dans sa modeste retraite, pour en faire une impératrice d’Orient, la fille orpheline du général Frank Bauto, ancien officier des armées romaines sous Gratien et Théodose ; puis, par un de ces procédés violens qui lui plaisaient, il avait enlevé de force à l’église d’Antioche un simple prêtre, l’éloquent et austère Jean Chrysostome, pour en faire un métropolitain de Constantinople ; mais l’évêque et l’impératrice s’étaient bientôt ligués pour le détruire, celle-ci par jalousie de domination sur son mari et sur l’état, celui-là par ressentiment pour un privilége ecclésiastique violé. Quand le ministre d’Arcadius eut succombé sous cette double attaque et que les vainqueurs se trouvèrent en présence, également avides de pouvoir et séparés d’ailleurs par une inimitié instinctive, la lutte couvrit entre eux, lutte formidable, la plus terrible peut-être qui ait jamais agité un état et une église. Elle entraîna dans sa sphère

  1. La première partie de la vie de saint Jean Chrysostome et la chute d’Eutrope ont été racontées ici même par M. Amédée Thierry, Revue des Deux Mondes du 1er  avril 1866, et M. Amédée Thierry a reproduit son travail dans un volume intitulé Nouveaux récits de l’Histoire romaine au cinquième siècle.