Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
279
CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.

rappeler par les ruses de la toilette des agrémens qui l’avaient fuie et un troupeau d’adorateurs bien éclairci, elle scandalisait la société chrétienne par l’étalage de sa jeunesse empruntée. On ne la voyait en public et même à l’église qu’enduite de céruse ou de minium et les yeux peints d’antimoine, comme une idole d’Égypte. Ces coquettes surannées étaient pour l’archevêque un vrai sujet d’aversion. Il les poursuivait à l’église, où il les menaçait de les excommunier et de leur fermer les portes du lieu saint, si elles ne donnaient aux pauvres tout l’argent qu’elles dépensaient à s’enlaidir. « Je vous en avertis, leur disait-il dans un de ses sermons, et je le fais non plus en manière de simple exhortation, mais comme un commandement que je vous adresse, je vous avertis que si vous ne vous amendez pas, je vous chasserai d’ici ; puis si l’on vient me dire que, retranchées de mon église, vous vous réfugierez chez les hérétiques, je ne m’en mettrai point en peine, et ceux qui me blâmeraient, je les dispense de me défendre au tribunal de Dieu, lorsque j’y serai jugé. »

Il les poursuivait jusque dans leurs maisons. « Suivant le précepte de saint Paul, nous dit le plus curieux de ses biographes, Palladius, évêque d’Hellénopolis, son confident, son ami et son compagnon de persécution, Chrysostome allait dans les maisons particulières donner des enseignemens d’honnêteté aux femmes qui en avaient besoin, à celles-là surtout qui, étant vieilles, faisaient tout pour paraître jeunes. » La mode était alors parmi les dames de Constantinople de ramener sur le devant de la tête, leurs cheveux frisés en boucles, de manière à en recouvrir le front d’une tempe à l’autre. Des plus bas étages de la société, car c’était la coiffure ordinaire des courtisanes, cette mode avait gagné les plus élevés : de jeunes matrones l’avaient prise, et Eugraphie une des premières, comme protestation de sa perpétuelle jeunesse. Or cette coiffure qui laissait les cheveux à découvert, blessait les idées chrétiennes de décence en Orient, surtout quand elle s’appliquait aux veuves et aux femmes âgées, à qui l’usage prescrivait de porter des bandeaux ou des voiles. La vue d’Eugraphie dans cette toilette juvénile mit Chrysostome hors des gonds. « Pourquoi, lui dit-il, voulez-vous contraindre votre corps à rajeunir quand il ne le peut pas ? Vous rabattez vos boucles de cheveux sur votre front à la manière des prostituées pour tromper ceux qui vous voient, mais, croyez-le bien, vous ne faites que leur déclarer vos rides. » Chaque fois qu’il la rencontrait ainsi parée, il lui tenait les mêmes discours. Ces admonestations, on en conviendra, devaient plaire médiocrement à des coquettes du genre d’Eugraphie.

Une circonstance particulière donnait aux paroles de Chrysostome