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leur tarière ; les déblais se déversent sur les berges, où une longue rigole demi-cylindrique en tôle dite couloir les mène à une distance suffisante. Pour assurer le glissement des matières dans ce long couloir ; une pompe, mise en mouvement par la machine à vapeur de la drague, y projette un courant d’eau continu dont l’impulsion et l’action délayante entraînent les déblais. Au moment où nous écrivons ces lignes, les opérations que nous venons de décrire ont été menées à bonne fin, et les quatre dragues s’avancent progressivement à travers la plaine.

Un petit pavillon bleu et blanc que nous avions déjà remarqué sur la flottille de Suez se déployait au sommet de chacune des dragues, portant les initiales des noms de MM. Borel et Lavalley, les principaux entrepreneurs des travaux de creusement du canal maritime. Ceux-ci n’avaient soumissionné d’abord que pour une partie de la ligne : leur tâche comprend désormais la totalité du parcours, sauf quelques points où la compagnie possède encore des chantiers. C’est à ces deux chefs d’industrie qu’appartient presque tout l’immense matériel à vapeur échelonné sur l’isthme. Leurs comptes sont réglés par mètre cube de déblais. Après une courte halte, la dahabieh reprit sa route ; il nous fallait examiner en détail avant la nuit les travaux du seuil de Chalouf, D’énormes terrassemens aperçus sur la droite, couronnés de distance en distance par des panaches de fumée, nous signalaient l’approche du seuil, lorsque le canal, s’élargissant subitement, prit l’aspect d’une véritable rivière. Nous naviguions dans l’ancien canal des Pharaons, conservé sur ce point dans son intégrité, grâce à la nature argileuse des terrains environnans, qui s’est opposée à l’envahissement de la tranchée par les sables ; le canal continua de la sorte avec 30 ou 40 mètres de largeur pendant 3 kilomètres. La dahabieh s’arrêta le long d’un débarcadère : nous sautâmes à terre, et nous nous trouvâmes sur un plateau, vis-à-vis d’un campement aux rues larges et bien alignées, un véritable village.

L’existence de la plupart des campemens établis sur le parcours du canal maritime est essentiellement éphémère ; dès que les opérations du voisinage seront achevées, ils disparaîtront, n’ayant plus de raison d’être. Aussi le bois et les matériaux légers ont-ils été employés dans les constructions. La compagnie néanmoins a voulu assurer à ses agens un comfort suffisant ; proprement bâties, bordées de larges vérandahs, ces baraques sont bien disposées pour protéger contre les ardeurs de la saison d’été. On se figure difficilement la multitude des services nécessités par la mise en œuvre d’une entreprise aussi simple en apparence ; mais dans le désert, loin de toutes communications, il a fallu pourvoir à tout. Les bureaux de la poste, du télégraphe, du service des transports, se