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L’empereur en effet institua deux jours après la commission destinée à préparer les élémens de sa décision. Il rendit le 6 juillet suivant une sentence arbitrale en vertu de laquelle le vice-roi d’Égypte pouvait supprimer les contingens promis d’ouvriers indigènes et devenait propriétaire du canal d’eau douce et des terrains limitrophes des canaux, sous la réserve de 10,000 hectares en bordure, reconnus nécessaires aux besoins de l’exploitation ; la compagnie possédait auparavant 63,000 hectares. En compensation, le vice-roi était déclaré redevable à la compagnie d’une indemnité de 84 millions payable en quinze annuités.

Pendant que ces faits se passaient dans les sphères politiques, une autre crise venait en partie suspendre les travaux du canal en si bonne voie depuis deux ans. La compagnie, au mois de janvier 1863, avait d’abord dû résilier son traité avec M. Hardon, les ressources de celui-ci ne s’étant pas trouvées à la hauteur de cette immense tâche. Un entrepreneur anglais, M. William Aiton, connu par ses travaux de dragage et de terrassemens à Glasgow, avait signé quelque temps après un contrat pour l’enlèvement en quatre années des 21 millions de mètres cubes représentant le déblai du canal depuis Port-Saïd jusqu’au seuil d’El-Guisr. Comme son prédécesseur, M. W. Aiton ne put tenir ses engagemens, et ce nouveau marché dut être résilié. Plus heureuse d’autre part, la compagnie avait confié à l’entrepreneur Dussaud la construction des jetées de Port-Saïd, à M. Couvreux l’enlèvement des 9 millions de mètres cubes du seuil d’El-Guisr, à MM. Borel et Lavalley l’achèvement du canal maritime de Timsah à Suez, soit l’enlèvement d’environ 25 millions de mètres cubes. C’est à ces derniers entrepreneurs qu’échut également la succession de M. Aiton. L’arrivée de ces auxiliaires capables et dévoués devenait urgente. Les contingens égyptiens, réduits peu à peu, venaient de disparaître entièrement depuis le prononcé de la sentence arbitrale.

Il était difficile de remplacer au milieu du désert le travail de ces milliers d’hommes ; on ne pouvait songer à y recruter des ouvriers libres en même proportion : le rassemblement de pareilles masses était impossible, le taux des salaires eût épuisé les ressources financières de la compagnie. Une complète transformation des moyens d’action fut résolue : la vapeur devait remplacer partout la main de l’homme, et dès lors 6 ou 8,000 ouvriers, déjà en partie recrutés, suffiraient au service. De nouvelles études, un surcroît de dépenses, un retard notable apporté à l’achèvement du canal, furent la conséquence de ces crises. Cette transformation touche heureusement presque à son terme. Une circonstance, tout d’abord regardée comme désastreuse, a néanmoins servi la cause du canal. Pendant l’épidémie cholérique qui parcourut l’Égypte en