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il était alors peu disposé à donner satisfaction aux demandes que l’ambassadeur de France venait de présenter au nom de son gouvernement. Consalvi n’avait point à craindre que Pie VII se montrât dans cette circonstance plus faible que son ministre ; mais il savait parfaitement que dans cette grave affaire l’effort principal du gouvernement français était dirigé contre lui. Il comprenait d’avance que l’empereur à Paris et son ambassadeur à Rome avaient surtout pour but de faire retomber sur lui la responsabilité du refus et tout le poids de leur mauvaise humeur. C’est pourquoi, la lutte une fois engagée, malgré les efforts qu’il n’avait cessé de faire pour tâcher de l’éviter, il résolut de la soutenir avec un redoublement de prudence et de modération. Non-seulement il affecta de s’effacer autant que possible, mais il engagea Pie VII à ne prendre de lui-même aucun parti avant d’avoir, sans étalage et sans bruit, provoqué, sur un si grave sujet une mûre délibération. Il lui semblait que le chef de la catholicité mettrait de plus en plus le bon droit de son côté et se créerait une situation inattaquable, s’il ne donnait de réponse définitive qu’après avoir, dans une forme discrète et toutefois suffisamment solennelle, sollicité les avis de ses conseillers naturels, les membres du sacré-collège. Ce plan de conduite, si habile à la fois et si sage, qui convenait si bien à la modestie naturelle du souverain pontife alors assis sur le siège de saint Pierre, était en outre parfaitement conforme aux traditions séculaires du Vatican. N’en déplaise aux prôneurs du pouvoir absolu, qui rêvent de le voir s’établir partout et principalement dans l’église, c’est une doctrine née d’hier, d’origine essentiellement révolutionnaire et démocratique, celle qui prétend s’en remettre aux lumières et à la volonté d’un seul de la solution des grandes affaires politiques ou religieuses qui intéressent les vastes agglomérations humaines. Les gouvernemens d’ancien régime étaient beaucoup plus qu’ils ne s’en doutent ou qu’il ne leur convient de l’avouer des gouvernemens d’autorité pondérée, qui admettaient et souvent provoquaient la manifestation des sentimens de ceux-là mêmes dont ils réclamaient ensuite l’entière obéissance. Dans les matières religieuses, l’église elle-même ne suivait pas jadis d’autres règles. Ni les papes à Rome ni les évêques dans leurs diocèses ne prétendaient tout décider et tout régler de leur propre mouvement sans consultation et sans accord préalable. Déjà à l’époque du couronnement Pie VII avait trouvé convenable de provoquer la libre expression des vues de la plupart des cardinaux sur la convenance de son voyage à Paris. La décision qu’il s’agissait de prendre en ce moment était plus importante encore, car elle touchait aux choses mêmes de la foi catholique, et mettait directement en cause la conscience du père commun des fidèles. « En effet