Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

intimes profondeurs et mises en scène dans toute la variété de leurs élémens et de leurs formes ; il se rend compte avec une ferme sagacité de la différence essentielle qui existe entre ce système qu’on appela romantique et le système classique de notre théâtre national : « Il ne s’agit point, dit-il, de savoir si en rapportant les drames de Schiller à de certaines règles, en les comparant à des formes dont on a le goût et l’habitude, on les trouvera bons ou mauvais ; se livrer à un tel examen serait une tâche superflue et stérile. Au contraire il peut y avoir quelque avantage à rechercher les rapports que les ouvrages de Schiller ont avec le caractère, la situation et les opinions de l’auteur, et avec les circonstances qui l’ont entouré. La critique envisagée ainsi n’a peut-être pas un caractère aussi facile et aussi absolu que lorsqu’elle absout ou condamne d’après la plus ou moins grande ressemblance avec des formes données ; mais elle se rapproche davantage de l’étude de l’homme et de cette observation de la marche de l’esprit humain, la plus utile et la plus curieuse de toutes les recherches. » C’est là, en effet la nouvelle méthode que M. de Barante applique à l’examen et à l’appréciation du théâtre romantique et de ses grandes œuvres ; mais son jugement n’a rien d’exclusif ni d’étroit ; son admiration pour Shakspeare et Schiller ne le refroidit point pour Corneille et Racine ; parce qu’il rend justice et hommage à des littératures étrangères, il ne cesse pas de comprendre et de goûter avec une passion fidèle notre littérature nationale, et il termine sa Vie de Schiller par ces libres et judicieuses paroles : « C’est sans doute la victorieuse domination des Français, jointe au souvenir de l’oppression littéraire dont l’Allemagne s’était affranchie, qui donna à Schiller les préventions étroites et aveugles qu’il conserva toujours contre la littérature française. Il y a en Allemagne tout un recueil de lieux communs de déclamation contre notre théâtre et notre poésie dont les hommes les plus distingués ne savent pas se préserver. L’examen philosophique, les idées générales, l’impartiale sagacité, ne passent point le Rhin, et nous sommes mis hors la loi de la critique tout aussi frivolement que nous y mettons les Allemands, ce qui est plus surprenant et plus répréhensible de leur part, car nous du moins nous les jugeons sans les connaître. »

L’Histoire dès ducs de Bourgogne est écrite dans un point de vue plus spécial et avec un peu plus d’esprit systématique, bien moins cependant qu’on ne s’est plu quelquefois à le dire. Quand M. de Barante a pris pour épigraphe de son livre cette maxime de Quintilien : « l’histoire est écrite pour raconter, non pour prouver[1], » tout ce qu’il a voulu dire, c’est que l’histoire ne devait

  1. Historia scribitur ad narrandum, non ad probandum.