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si ce crime de lèse-union est découvert, on lui enlèvera d’abord son gain au profit de ceux qui auront été s’enivrer, et, s’il persiste, il s’exposera à des punitions, à des vengeances dont Sheffield n’est pas seul à fournir des exemples.

Les règlemens les plus vexatoires, les plus contraires à la liberté, les usages des anciennes jurandes et des anciennes guilds, se retrouvent copiés dans ceux des unions. Le travail des femmes est interdit, et l’on condamne ces malheureuses à la misère sous prétexte qu’elles feraient baisser le taux de la main-d’œuvre. Le nombre des apprentis est limité, et un père ne peut faire adopter son métier à tous ses enfans ; même pour le nombre permis, il lui faut acheter l’autorisation à prix d’argent. Chez certaines nations de l’antiquité, le fils était forcé de suivre le métier de son père. Le système oppressif des castes se trouve renversé d’une façon tout aussi contraire à la liberté individuelle par les règlemens des unions. La quantité de travail à faire pendant les heures réglementaires est en elle-même limitée. L’on semble s’être proposé d’augmenter le gain des ouvriers, non-seulement sans augmenter la quantité ou la qualité de la production, mais même en mettant obstacle à tout ce qui s’élèverait au-dessus de la médiocrité, c’est-à-dire de diminuer autant que possible les profits des maîtres. Ceux qui désireront s’édifier à fond sur ce sujet n’ont qu’à lire dans les publications de la commission les dépositions de M. Mault et de M. Trollope, deux constructeurs de maisons très connus dans Londres.

Du reste le travail des commissions d’enquête n’est pas fini ; il n’avance même qu’avec lenteur. Il ne saurait en être autrement lorsque l’examen porte sur des associations dont le secret absolu est la première règle, et qui (cela a été constaté) n’obéissent dans certaines circonstances particulières qu’à des ordres communiqués par le chef à quelques adeptes seulement : chacun de ceux-ci les fait connaître ensuite à un petit nombre d’autres affiliés, et ainsi de proche en proche, sans que jamais le membre inférieur qui reçoit ces ordres sache par qui ils ont été donnés à celui qui les lui transmet. Les règlemens de ces corporations sont d’ailleurs destinés aux sociétaires exclusivement, et on ne peut se les procureur qu’avec difficulté. En voici, et cela explique tout, la clause fondamentale : « tout membre de la corporation qui parlera des affaires de la société à une personne qui n’en fera pas partie sera mis à l’amende, et tout membre qui, en faisant connaître à d’autres qu’à un de ses confrères les torts ou les injustices qu’une des autorités de l’union lui aurait fait subir, nuira au crédit de la société ou de ses chefs sera condamné à une amende ou expulsé. »

Ces prescriptions, qui forment les paragraphes 5 et 6 de l’article 34 du règlement publié l’année dernière par la société des