Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/710

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plateau central, qui est compris entre la vallée de la Saône et le bassin de Paris d’une part, d’autre part entre les vallées du Rhône et le bassin de Bordeaux, est surtout granitique, quoique les roches volcaniques s’y rencontrent aussi en abondance. Hors en quelques grandes vallées privilégiées comme la Limagne, toute couverte de terrain tertiaire, l’agriculture est très pauvre dans cette région, la culture forestière y est plus pauvre encore. Les vraies forêts ont presque toutes disparu, sauf dans le Morvan et dans quelques vallées de l’Allier, de la Loire et de la Saône. Le Jura, qui a donné son nom aux terrains dont il est formé, s’étend du nord au sud, depuis les Vosges jusqu’à Chambéry, en présentant des couches alternativement calcaires et argileuses ; les premières, qu’on rencontre surtout sur les plateaux, sont couvertes de bois, tandis que les autres sont livrés à l’agriculture et au pâturage. Les Pyrénées, comme les Alpes, ne sont que très incomplètement boisées, quoique les terrains dont ces montagnes sont formées soient particulièrement propres à la culture forestière ; mais le peu de valeur des bois, résultant de la difficulté des transports, n’a pu arrêter le déboisement, que les abus du pâturage occasionnaient sans cesse. Dans les Alpes surtout, le mal a fait de tels progrès que la dépopulation s’en est suivie ; l’homme y disparaît avec les arbres, et aujourd’hui la reconstitution des forêts est devenue pour les départemens du sud-est une question de vie ou de mort.

On peut conclure de ce qui précède que le déboisement s’est propagé d’une façon très inégale dans les diverses régions naturelles de la France. Dans les bassins et sur les montagnes qui les entourent, il a fait beaucoup moins de progrès que sur les hautes chaînes éloignées des grands centres où se développe en tous sens l’activité humaine ; mais dans chaque région prise isolément l’agriculture s’est emparée des terres les plus fertiles, laissant aux forêts celles dont elle n’eût pu elle-même tirer parti. Il en résulte qu’aujourd’hui il n’y aurait plus aucun intérêt à poursuivre, même dans les plaines, le déboisement, puisqu’on n’aurait désormais à défricher que des forêts qui sont parfaitement à leur place et qu’aucune autre culture ne pourrait remplacer plus avantageusement. Au contraire le seul moyen de rendre aux pays élevés et pauvres quelques élémens de richesses, c’est d’y reconstituer les forêts qu’on y a détruites. Les progrès de la viabilité en rendront l’exploitation plus avantageuse qu’elle ne l’était autrefois, car les chemins de fer, les canaux, les routes départementales et communales ont transformé les conditions économiques des provinces les plus reculées, et ouvrent chaque jour des débouchés à des produits jusqu’ici sans emploi ; mais ce n’est là encore qu’un des petits côtés de la