Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 70.djvu/758

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
III

Avant de quitter nos penseurs d’outre-mer, la crainte me vient d’être, en discutant une expression équivoque, mais usitée, tombé dans le ridicule de paraître contester l’infini à Dieu. Je me borne à écarter cette proposition donnée presque comme une définition : « Dieu est l’infini, » parce que je ne la comprends pas, parce que autre chose que Dieu peut être infini, par exemple le temps, parce qu’enfin il me paraît difficile que l’infini ne contienne pas tout, et que Dieu égalé à l’infini ne soit pas une expression détournée du panthéisme ; mais si le mot d’infini n’est plus que le nom d’un attribut, il peut désigner assurément un attribut divin, celui en vertu duquel Dieu est exempt de toute limitation incompatible avec la perfection. C’est pourquoi je n’hésite pas à écouter celui qui me dit que Dieu est une intelligence infinie. Il me donne en effet, non pas une idée complète, mais une idée juste et intelligible de la Divinité. J’admets, je conçois très clairement qu’il peut, qu’il doit y avoir une intelligence adéquate à la vérité, ou si l’on veut, qui sait tout. Je ne me rends pas sans doute un compte exact de cette perfection d’intelligence, l’esprit fini ne peut mesurer l’esprit infini ; mais je comprends très bien que la vérité puisse être connue tout entière, je sens même qu’il manquerait quelque chose à son existence, si elle n’était quelque part pleinement comprise. Ce qui n’est absolument point pensé est comme s’il n’était pas, et la science, quand elle augmente pour nous le domaine de l’être, est une faible image du rapport nécessaire qui subsiste entre l’existence et l’idée. Ajoutez que, pour qui réfléchit sur la nature de l’intelligence, il est facile de déduire de cette proposition : , « Dieu est une intelligence infinie, » la plupart de ceux des attributs divins qui importent le plus à la moralité et au bonheur de l’homme.

En général, il semble que le langage de la théologie, même de la théologie naturelle, aurait besoin d’être sévèrement médité, si l’on ne veut qu’il crée des difficultés et suggère des objections aux vérités mêmes qu’il a la prétention d’exprimer et d’éclaircir. Je ne sais guère de traités de Deo qui ne contiennent des assertions dues uniquement à la hardiesse spéculative ou à l’entraînement logique des écrivains, et qui, données comme les élémens nécessaires de la notion de Dieu, comme les conditions mêmes de sa nature et de son existence, obscurcissent ou ébranlent l’une et l’autre, et suscitent des problèmes gratuits et de pure invention. On ne peut lire sans inquiétude ces listes interminables d’attributs ingénieusement déduits les uns des autres que les auteurs de théodicées nous