Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/1043

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On doit souhaiter que la prochaine session s’ouvre dans un état des esprits plus froid et plus rassuré à l’égard des affaires étrangères et surtout des affaires allemandes. Le plus urgent intérêt de la France est aujourd’hui de s’occuper de ses affaires intérieures. Toute la moralité des événemens du dehors qui ont inquiété le pays aboutit en effet à démontrer que les causes principales et fatales de nos échecs ont été les imperfections de notre mécanisme gouvernemental. On annonce que la session sera ouverte par la discussion immédiate des projets de loi sur la presse et le droit de réunion. Que sont en principe ces projets de loi, sinon de la part du gouvernement qui les a présentés l’aveu des lacunes qui ont malheureusement depuis seize ans existé dans nos institutions ? Nous voudrions que dans les débats qui vont s’ouvrir les ministres et les orateurs du gouvernement ne perdissent pas de vue ce point de départ. La hauteur et la jactance, qu’ils s’en souviennent, ne leur sont plus permises. Il ne faudrait pas que M. Rouher répétât son mot de l’année dernière : nous n’avons pas fait de fautes. Les actes législatifs proposés par le gouvernement lui-même démentiraient ce langage, car que sont-ils, sinon des réparations de fautes ? Oui, c’est une faute d’avoir pendant seize ans, par une législation dictatoriale, empêché l’expansion naturelle de l’opinion publique, et tenu la presse française dans une condition énervée et humiliée ; si l’on n’avait point privé le public des informations et des discussions actives et autorisées d’une presse libre, croit-on que la raison nationale eût laissé commettre les erreurs de politique étrangère qui froissent aujourd’hui l’honneur et les intérêts de la France ? On en peut dire autant à propos du droit de réunion. N’est-il pas vrai qu’un malaise moral généralement ressenti en ce moment correspond à l’engourdissement de la vie publique ? Tous les liens d’association ont manqué en France à l’existence politique depuis seize années. Les moyens de rapprochement et d’action concertée entre les citoyens ont cessé durant cette longue période. La France n’a plus été qu’une poussière d’individus, et un des périls les plus redoutés aujourd’hui, c’est l’impuissance où seraient les forces vives de la nation de se grouper et de se combiner, si à l’improviste le salut du pays venait à faire appel à tous les dévouemens patriotiques. De quelques restrictions défiantes qu’elle demeure enveloppée dans le projet de loi gouvernemental, la pensée d’établir le droit de réunion est donc bien la tentative de réparer une faute. On peut attribuer le même sens à la plupart des actes législatifs qui occuperont la prochaine session. La réorganisation de l’armée n’est qu’une série de fautes à réparer : loi d’exonération, caisse de dotation, l’élément mercenaire envahissant les troupes, les alourdissant, affaiblissant la valeur des cadres des sous-officiers, sans compter la nécessité d’étendre et d’accroître l’obligation du service pour nos jeunes générations, triste nécessité créée par les suites d’une erreur de politique étran-