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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


ces livres dont il poursuivait si violemment naguère l’interdiction, et que, quelqu’un lui ayant demandé la raison de sa conduite, il avait répondu par ces mots restés célèbres : « Les livres d’Origène sont un jardin mêlé de fleurs et de broussailles ; je laisse les épines et j’admire les fleurs. » L’humiliation des Longs-Frères et l’impudence de Théophile n’étaient pas arrivées à leur terme ; il y fallait encore des éloges et une apologie que les pauvres moines subirent comme leur dernière persécution. On rapporte qu’en apprenant la mort d’Ammonius le patriarche s’écria : « Je le pleure sincèrement, car c’était un saint moine, et je voudrais qu’il y en eût beaucoup de pareils. » Après cette lamentable comédie, l’émigration de Nitrie et de Scété se dispersa ; un petit nombre seulement parvint à regagner l’Égypte, accablé d’amers souvenirs et de déceptions plus amères encore.

Restait l’affaire d’Héraclide d’Éphèse, qui fut introduite devant le concile à sa treizième séance. Cet évêque, choisi par Chrysostome, avait été chassé de son siége par une émeute des Éphésiens laïques et clercs, et forcé de se cacher pour éviter un pire traitement. On accusait ce prélat joannite d’une infinité de crimes et en particulier de larcin. Un autre évêque, celui de Magnésie, nommé Macarius, se portait son accusateur, et cette cause amenait naturellement celle de toutes les églises d’Asie dans le gouvernement desquelles l’archevêque s’était si malencontreusement ingéré. Les plaignans asiatiques étaient là, présens, animés de passions furieuses, et la persécution se préparait contre tous les évêques imposés par Chrysostome, lorsque survinrent à Constantinople des événemens qui absorbèrent l’attention du concile, interrompirent la procédure, et provoquèrent au bout de peu de jours la dissolution de l’assemblée.


VI

La relation du concile sur la condamnation de Chrysostome était sous les yeux de l’empereur, qui avait donné son approbation à la décision synodale par une lettre mentionnée aux Actes ; mais aucune mesure n’était prise pour l’exécution de la sentence, Chrysostome continuait d’occuper le palais épiscopal et la basilique. Cet état d’indécision dura trois jours. L’église de Constantinople, pendant ce temps-là, restait en proie à un désordre inexprimable. Les membres du clergé métropolitain, interdits ou non par l’archevêque, rentraient de toutes parts dans les basiliques ; les premiers le faisaient avec un air de défi insolent, mais le peuple les chassait ou désertait leurs offices. Sous le coup du décret synodal, les évêques jusqu’alors fidèles se dispersaient peu à peu, et le triclinium