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là tout, et pendant les deux siècles que les Juifs de Palestine passèrent sous le sceptre persan, concentrés sur eux-mêmes, comptant toujours sur l’avenir, mais pour le moment très humbles dans leurs prétentions, dirigés par des prêtres et des légistes aux noms inconnus et que les traditions ultérieures désignent collectivement sous le nom des « hommes de la grande synagogue, » ils se relevèrent insensiblement de leur état de profonde misère. Le piétisme dominant favorisa, là comme ailleurs, l’accroissement et la prospérité matérielle de la population par la régularité de mœurs et l’esprit de famille qu’il entretint. Les Juifs restés en Chaldée et en Mésopotamie, plus riches que leurs frères de Judée, leur envoyaient des subsides. Beaucoup faisaient, au moins une fois dans leur vie, un pèlerinage à Jérusalem. Ces rapports continus et par la suite fort importans des Juifs restés près de l’Euphrate avec les Juifs revenus dans la mère-patrie sont un des points, auparavant mal connus, que nos historiens juifs ont le mieux éclaircis.

Donc, lorsque le sceptre de l’Asie occidentale passa des mains débilitées des grands rois à celles d’Alexandre, les Juifs étaient de nouveau un peuple, sinon très nombreux, du moins compacte et en voie d’accroissement rapide. M. Jost fait dater de l’expédition d’Alexandre et de l’ébranlement qu’elle communiqua aux esprits dans l’Asie occidentale le moment où les Juifs commencèrent à s’expatrier volontairement et à donner libre essor à ce goût âpre et passionné de la spéculation mercantile qui ne cessa depuis lors de les caractériser. Encore une ambition inconnue de leurs ancêtres et qui distingue profondément les Juifs du vieil Israël. Plusieurs suivirent le conquérant macédonien dans ses campagnes lointaines. Beaucoup allèrent se fixer à Alexandrie, puis dans les villes importantes de l’Asie-Mineure, de l’Archipel et de la Grèce. La ruche, qui semblait épuisée, essaima de nouveau dans une foule de directions. La métropole religieuse n’y perdit rien, car le lien spirituel ne fut nullement rompu par la dispersion. Disons rapidement que, traités favorablement par Alexandre, qui avait d’ailleurs autre chose à faire qu’à s’occuper longtemps d’un petit peuple inoffensif, ils eurent à souffrir, comme les autres fractions de son empire éphémère, des guerres suscitées par la rivalité de ses lieutenans, que toutefois ils eurent généralement à se louer de cette dynastie intelligente et éclairée des Ptolémées d’Égypte, qui ménageait volontiers les diversités nationales, mais que leur sort changea lorsque les vicissitudes de la politique les eurent assujettis aux Séleucides de Syrie.

Déjà un ennemi auquel Esdras ni aucun prophète n’avait pu songer s’était introduit insidieusement dans la place. L’esprit juif,