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à la fois ! Inutile cruauté : on ne détruit pas par les supplices un parti ne d’une situation, tant que cette situation reste la même. Jannaï mourut peu de temps après cette terrible exécution, et déjà le pharisaïsme renaissait plus fort qu’auparavant et désormais plus habile. En mourant, Jannaï recommandait à sa veuve, Salomé Alexandra[1], de tout faire pour se concilier les pharisiens.

Celle-ci obéit, et, fort pieuse elle-même, suivit volontiers les directions des chefs du parti puritain. Il y eut une nouvelle période rigoriste de neuf années, et, tant il est vrai que dans une même race l’histoire se répète sous des formes nouvelles, maintenant que le monothéisme était hors de cause, les accès de rigorisme légal et les réactions de la mondanité se succédaient, comme autrefois sur le même sol les alternatives de monothéisme et de polythéisme. C’était au fond pour des causes analogues. Sous le règne d’Alexandra, le rabbinisme fonda des écoles dans toutes les villes importantes du pays juif, et une capitation régulière au profit du temple fut levée sur chaque Israélite. Elle se montait annuellement à un demi-sicle par tête (environ 1 fr. 50 c), et la régularité scrupuleuse avec laquelle cet impôt fut payé tant en Judée qu’à l’étranger ne tarda pas à faire affluer au sanctuaire des sommes énormes pour l’époque. En même temps le sanhédrin, dont la majorité était redevenue pharisienne, imposait à tous l’observation rigoureuse de la loi et des traditions formulées par les scribes. Plusieurs notables sadducéens moururent victimes des vindictes du parti pharisien. La tradition talmudique affirme que Simon ben-Schetach, favori de la reine et président du sanhédrin, fit crucifier quatre-vingts femmes accusées de sorcellerie. Un autre trait dont le même Simon est le héros tragique achèvera de donner une idée du fanatisme légal de cette période. Les adversaires de Simon, pour se venger de lui, subornèrent deux témoins qui accusèrent son fils d’un crime puni de mort par la loi. Condamné, le jeune homme marchait au supplice en protestant de son innocence, lorsque les témoins, saisis de remords, avouèrent leur mensonge. Les juges voulaient qu’on mît l’innocent en liberté ; mais n’y avait-il pas un article de loi qui, disais qu’un témoin, revenant sur sa déposition pour la démentir, ne pouvait plus être cru ? Donc la rétractation des deux parjures était comme non avenue. Le jeune homme lui-même pressa son père de ne pas condescendre au désir des juges. « Si tu veux, lui dit-il, que le salut d’Israël soit affermi par tes mains, considère-moi

  1. Comme on le voit, presque tous les Asmonéens ont un nom grec joint à leur nom hébreu. Cette coutume était assez générale à cette époque, du moins dans les hautes classes, et elle atteste l’influence que l’hellénisme ne cessait d’exercer en dépit des réactions nationales.