Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/388

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signature du concordat, lorsqu’il avait eu à choisir soixante évêques pour les mettre à la tête des nouveaux diocèses, le premier consul, on s’en souvient, avait eu soin de consulter les personnes les plus sages et les plus compétentes. Ces nominations, faites en vue de la paix de l’église et du bien de la religion elle-même, avaient été la plupart très heureuses. Elles avaient paru dictées par un suffisant esprit d’impartialité. Cependant, si la balance avait penché d’un côté, c’était plutôt en faveur de cette partie du clergé qui, n’ayant pas émigré, avait paru prendre plutôt parti pour les idées qui avaient prévalu en 1789, Napoléon, comme nous l’avons établi[1], avait même attaché le plus grand prix à triompher des répugnances du saint-siège pour faire entrer au sein du nouvel épiscopat un certain nombre d’anciens constitutionnels. On connaît les motifs de cette préférence du premier consul, et lui-même a pris le soin de les inscrire presque à chaque page de sa correspondance de cette époque. Ils lui avaient été inspirés par une juste appréciation des circonstances du moment et du mouvement de l’opinion publique. Il avait trouvé juste et prudent, au moment où il rétablissait pour le nouveau clergé de France des positions si considérables, d’y appeler, sinon exclusivement, du moins de préférence et en grande majorité, les prêtres qui, au péril de leurs jours, s’étaient fait un devoir de rester intrépidement à leurs postes, et n’avaient pas, en quittant le sol national, consenti à séparer un instant leur sort de celui de la commune patrie. Une autre considération exclusivement personnelle, à laquelle l’intérêt public n’avait aucune part, ressort également des mémoires et des lettres de Napoléon, et ne laissa pas que d’influer aussi beaucoup sur la nature des choix qui suivirent la publication du concordat. Le premier consul, agitant secrètement dans sa pensée les problèmes de l’avenir, avait été amené à supposer que, s’il devait un jour mettre sur sa tête la couronne de France, il trouverait de plus favorables dispositions, un plus cordial et plus sûr appui chez les ecclësiastiques qui, durant le cours de nos discordes passées, avaient déjà rompu avec les princes de la dynastie qu’il aspirait dès lors à remplacer. Il avait bien, non sans quelque hésitation, après avoir pris à leur égard toutes les précautions imaginables et réclamé de leur part des gages particuliers de soumission, choisi aussi quelques évêques parmi les ecclésiastiques, émigrés et dans le groupe même de ceux qui, réfugiés en Angleterre, avaient ainsi paru contracter de plus récentes et de plus étroites liaisons avec la famille des Bourbons. La politique, une politique aussi avisée que clairvoyante, avait eu comme d’habitude la part principale dans ces dernières nominations, d’ailleurs assez peu

  1. Voyez la Revue du 15 septembre 1866.