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nullement susceptibles de controverse, avaient été arrêtées de concert entre les représentans du peuple breton et les mandataires de la couronne. Ce fut ainsi qu’au milieu de l’incertitude de tous les principes et de tous les droits, caractère dominant de l’ancien régime, la Bretagne se trouva en mesure de rappeler presque tous les jours les termes précis d’un engagement bilatéral renouvelé de règne en règne par les princes qui l’ont le plus audacieusement violé.

A dater de 1532, ce petit pays posséda à peu près seul en Europe ce que nous appellerions aujourd’hui une charte constitutionnelle. Depuis cette époque jusqu’à la révolution de 1789, l’histoire de cette province presque toujours agitée n’est guère que celle de ses longs efforts pour faire respecter des institutions très imparfaites sans doute, mais qui, à tout prendre, consacraient la plupart des principes dont la proclamation garantit la liberté politique. Un tel spectacle, si modeste que soit le théâtre sur lequel il se déroulé, ne saurait demeurer indifférent à quiconque croit encore au droit et à la justice. Jamais peuple n’a défendu des franchises fondées sur des titres plus authentiques, et ne les a défendues avec une plus loyale sincérité. Durant le cours de la lutte légale qui commença sous Henri IV pour finir sous Louis XVI, la Bretagne vit ses droits de plus en plus méconnus. On avait cessé de comprendre à Versailles jusqu’au sens des réclamations qu’adressaient à la couronne soit les états, soit le parlement de Rennes, tant les résistances paraissaient inadmissibles, quelle qu’en fût la nature et sur quelque titre qu’elles se fondassent !

Ce pays avait pourtant donné le plus éclatant témoignage de fidélité à sa parole dans des circonstances critiques où tout semblait conspirer pour l’en dégager. La Bretagne avait rencontré des facilités pour reprendre, durant les troubles de la ligue et lors de l’avènement au trône d’une branche royale étrangère au sang de ses anciens ducs, cette indépendance dont les souvenirs étaient fomentés pendant cette crise même par le gouverneur qu’avait donné au duché l’imprudence de Henri III. Cependant elle refusa de servir l’ambition du duc de Mercœur, et ne parut pas saisir les conséquences que ce prince entendait tirer dans son propre intérêt des droits de la maison de Penthièvre et de l’extinction de la postérité d’Anne de Bretagne. En présence de vues que la Bretagne dut affecter de ne point comprendre pour n’avoir pas à les repousser, la position de cette province devint singulièrement délicate. Elle s’était en effet trouvée conduite par l’ardeur de ses sentimens catholiques à engager une lutte terrible contre la royauté du roi de Navarre ; elle avait mis aux mains du duc de Mercœur une force immense, et c’était de cette force même que ce prince aspirait à se