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situé à environ dix heures de La Mecque. C’est aujourd’hui la plus fréquentée à cause des facilités que présente la navigation. Mahomet a dit : « Qu’ils arrivent à la maison sainte à pied ou montés sur des chameaux prompts à la course. » Cette prescription n’a pas été prise à la lettre, comme tant d’autres versets du Coran ; les musulmans ne se font aucun scrupule d’arriver par mer. D’où viennent les nombreux pèlerins qui débarquent à Djeddah ? D’abord des différens ports situés au sud de cette ville sur la côte occidentale de l’Arabie, puis de Mascate et des autres points du Golfe-Persique, de Bombay, des ports de l’Inde, de l’Afghanistan, de l’Indo-Chine, de la Malaisie. La côte orientale d’Afrique fournit aussi son contingent, qui vient de Zanzibar, de Zeïlah, de Massouah, de Souakim. À ces divers points se sont embarqués les pèlerins de l’intérieur de l’Afrique, non-seulement ceux du Danakil, du Saumali, de la Nubie, du Darfour et du Kordofan, mais ceux qui habitent à l’ouest du lac Tchad et sur le cours du Niger jusqu’à Tombouctou, où la peuplade dominante des Peulh ou Fellata est musulmane. Cependant c’est de Suez et des autres ports de l’Égypte proprement dite qu’il arrive la plus grande foule à Djeddah. L’Égypte est un grand rendez-vous. On y vient par mer du Sénégal, du Maroc, de l’Algérie, de Tripoli et du Fezzan. Quelques pèlerins de ces deux dernières contrées font aussi le voyage par terre. On donne le nom de Mogrebins, c’est-à-dire d’Occidentaux, aux habitans de l’Afrique septentrionale. C’est le mot dont nous avons fait Maroc. La caravane était conduite autrefois par un parent du sultan de ce pays. Les Africains occidentaux se font généralement remarquer dans le pèlerinage par leur décence et leur bonne tenue. Aussi les wahabites, quand ils étaient maîtres des villes saintes et qu’ils interdirent le pèlerinage aux pèlerins turcs, laissèrent-ils passer en 1811 ceux du Mogreb, encore qu’ils n’eussent point adopté la réforme d’Abdr ul-Wahab[1]. Les Algériens sujets de l’empereur des Français entreprennent le pèlerinage en assez grand nombre, ils sont plus respectés que les autres ou traités plus mal suivant les dispositions des autorités et des habitans du Hedjaz. Lorsque les Algériens ont besoin d’une protection, ils se font reconnaître comme sujets de la France ; en d’autres cas, ils semblent renier, par une sorte de respect humain, la domination infidèle.

Les steamers qui traversent la Méditerranée apportent à Alexandrie un grand nombre de pèlerins venant de toutes les provinces de la Turquie d’Europe, de la Mer-Noire, de l’Anatolie et de la côte de

  1. Les gens du Mogreb ont partagé ce privilège avec les takrouris, ou pèlerins noirs de l’Afrique.