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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/510

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démoralisés ; ils ont repris courage et ont renoué les fils de leurs complots. Les rigueurs répressives, en grossissant démesurément les émigrations, ont créé autour de l’Espagne des camps d’agitation et d’hostilité, des foyers où s’allument, où s’entretiennent la vengeance et la haine, et de là, par une sorte d’irrésistible logique, est née la possibilité d’insurrections nouvelles ! comme celle qui éclatait il y a un mois à peine, qui a fait une irruption violente en Aragon et en Catalogne, et qui a semblé un moment devoir être la continuation ou la revanche de la bataille de juin.

Cette insurrection du mois dernier, je n’ai plus à la raconter. Elle a une médiocre histoire ; elle a commencé et fini en quelques jours. Les chefs étaient encore ceux qui se battaient l’an dernier à Madrid, Pierrad, Contreras, sans parler de Prim, l’invisible et l’insaisissable. Des bandes poussées à travers la frontière ou ramassées un peu partout et courant la campagne sans enlever une ville, sans livrer un combat sérieux, voilà tout ce qu’elle a été. Elle s’était fait annoncer avec fracas depuis plus d’un mois et avait presque donné rendez-vous à heure fixe au gouvernement, qui ne pouvait faire moins que de l’attendre l’épée tendue, et qui eût été bien aveugle ou bien abandonné, s’il n’avait su jour par jour tout ce qui se préparait. Elle semble finie pour le moment, autant que les choses finissent au-delà des Pyrénées. Sa vraie et unique force était la situation faite à l’Espagne, C’est toujours le cercle fatal : la réaction est la raison d’être de la révolution, comme la révolution est la raison d’être de la réaction. Quant à cette insurrection nouvelle, en dehors des causes générales qui pouvaient allumer un incendie à une étincelle, en suscitant un soulèvement plus étendu à un signal parti de la Catalogne, elle avait en elle-même, il faut le dire, out ce qu’il faut pour préparer une victoire au ministère de Madrid. Les partis révolutionnaires et ceux qui les favorisent se font toujours illusion parce qu’ils se livrent à une sorte de fatalité qui obscurcit leur jugement et les empêche de voir la réalité des choses. Ce dont l’Espagne a grand besoin, ce qu’elle désire au fond et ce qu’elle ne trouve pas, ce que tous les partis lui refusent, ce n’est pas une révolution, c’est un régime régulier, c’est une liberté suffisante s’abritant sous une loi équitable, protégeant le développement naturel de tous les intérêts et laissant la porte ouverte à tous les progrès. Si le dernier mouvement s’était produit sous ce drapeau de la liberté et de la loi, s’il avait eu pour chefs des hommes dont l’intervention eût été une garantie, je ne dis, pas qu’il eût réussi du premier coup ; mais il aurait du moins trouvé dans le pays une force morale devant laquelle le gouvernement serait demeuré paralysé, et il serait resté dans tous les cas une de ces causes qui se préparent au succès par une première défaite. Tel qu’il