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Entraîné Garibaldi à Genève, au congrès de la paix. Ce pauvre congrès de la paix a été sans contredit inspiré par une pensée honnête et généreuse, mais quelle représentation absurde il a donnée ! Pourquoi Garibaldi, qui depuis plusieurs semaines rôdait aux frontières romaines, est-il venu prendre la première place où des penseurs politiques devaient rechercher avec conscience et simplicité quelles sont dans le système européen les causes immanentes de guerre, et quels sont les moyens par lesquels les peuples, se rendant maîtres de leurs destinées, pourraient extirper ce fléau ? La paix permanente, dit-on, est une chimère. Dans l’état de l’Europe, la recherche des garanties d’une paix durable devrait cependant devenir une œuvre de jour en jour moins paradoxale. Les divers peuples européens sont liés entre eux par les mêmes idées générales. Ils sont régis par des constitutions sociales qui ne sont plus séparées par de notables divergences ; les applications des sciences à l’industrie et les intérêts économiques les rapprochent et les mêlent de plus en plus. Ils ont tous le même objet politique, l’amélioration de leur gouvernement intérieur, c’est-à-dire l’accroissement de la participation équitable et raisonnable de l’universalité des citoyens aux affaires publiques.

La vie sociale, économique et politique ne nous montré que ce qui unit les peuples. N’y a-t-il donc pas lieu d’examiner ce qui les divise, ce qui est de nature à les soumettre encore à la calamité et à la honte dés luttes sanglantes, ce qu’on peut et doit faire pour anéantir le mal dans ses causes ? Certes une pareille recherche est une de celles qui appartiennent le plus complètement à la compétence de l’esprit humain, au degré de culture intellectuelle et morale où il est arrivé. Le succès d’une pareille application et d’un pareil effort ne dépassé point la puissance de la bonne volonté et de la vertu humaines. L’objet que se proposait le congrès de Genève n’était donc point chimérique. Ce sont les hommes qui n’ont point été, sauf un très petit nombre, à la hauteur de la tâche. Garibaldi, ce naïf apôtre de paix politique, est venu prêcher la guerre de religion, celle dont la civilisation a déjà délivré l’Europe, dans un des foyers les plus ardens des passions religieuses. D’autres esprits indisciplinés et malhabiles ont renchéri par les professions philosophiques les plus déplacées sur l’étourderie du Pierre l’Ermite italien. Ces visiteurs contemplatifs et humanitaires de Genève ont montré une ignorance bien extraordinaire de l’esprit de cette vigoureuse et positive petite république. Ils n’ont pas su que la balance du pouvoir est à peu près tenue à Genève par la population catholique ; ils n’ont pas su que, sous l’influence soit d’un libéralisme positif et expérimenté, soit d’un calcul politique, les catholiques genevois sont de la part des deux partis l’objet de ménagemens particuliers ; ils n’ont point su que, grâce au grand révolutionnaire, M. Fazy, il y a aujourd’hui un évêque dans la Genève de Calvin. Par une de ces contradictions bizarres, que créent les