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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/616

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étroites d’une petite pension à l’aide d’un prélèvement sur le salaire. Quelle perspective, à côté d’une bourgeoisie affolée des emplois publics, pour des ouvriers amoureux de l’uniforme et du régiment ! En même temps quelle source d’influence, quelle matière à organisation pour les administrateurs à outrance ! Malheureusement ce qui n’est d’abord qu’une erreur de l’esprit peut vicier le cœur même de la société. Des préoccupations égoïstes, comme celles qu’on encourageait chez l’ouvrier en adoptant les combinaisons où sa femme et son enfant étaient oubliés, ne se développent pas impunément. Divers symptômes montrent qu’il y aurait urgence à favoriser au contraire toute entreprise qui profite à la femme et à l’enfant de préférence à celles qui ne prennent souci que du chef de famille. En recherchant aujourd’hui, dans les mesures prises par nos grandes compagnies de chemins de fer pour améliorer le sort de leurs ouvriers et employés, la pensée qui les a inspirées, en comparant ce qui se fait en France avec ce qui se pratique en Angleterre et aux États-Unis, en étudiant enfin dans quelques manifestations récentes de certains corps de métiers à Paris les prétentions qu’ils avouent, nous ajouterons un document de plus à l’enquête ouverte depuis 1848 sur les procédés à employer pour faire de notre société démocratique une société à la fois conservatrice et libérale.


I

Les chemins de fer français, qui embrassent une étendue actuellement exploitée de 15,470 kilomètres, à laquelle s’ajouteront encore 6,480 kilomètres dans un délai plus ou moins court, — sans compter les nouvelles lignes en projet, — sont partagés, sauf de très petits tronçons, entre six grandes compagnies. Ce système, dont on connaît l’origine, les phases diverses et le but, a constitué six corporations privilégiées, considérables par les ressources dont elles disposent, le personnel qu’elles emploient, l’influence qu’elles exercent sur les destinées du pays. Si la responsabilité s’accroît en raison du pouvoir, jamais sociétés particulières n’ont été soumises à des de-devoirs plus étendus : elles rappellent en quelque sorte les six grandes fermes auxquelles était attribuée sous l’ancien régime la perception de ce qui a constitué plus tard les impôts indirects. C’est chose vieille en France que l’abandon à des corps privilégiés de la perception des taxes. Sans revenir sur la discussion des avantages ou des inconvéniens de notre système de construction et d’exploitation des voies ferrées, il suffit, pour ce qui nous occupe, de rechercher comment les six compagnies françaises ont compris leurs