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récemment la parole dans une réunion convoquée à Barrow-Furness, une ville de vingt mille âmes qui s’est faite au nord du Lancashire, au bord de la mer, et qui fêtait l’inauguration de ses docks. Il y avait deux ducs à la cérémonie célébrée en l’honneur de l’industrie du fer. M. Gladstone a prononcé un de ces grands discours toujours chaleureux, toujours éloquens, avec lesquels il relève tous les sujets qu’il traite. On a comparé à ce propos les deux leaders, et comme M. Disraeli est en veine, sa causerie rustique a été préférée par les amateurs à la puissante harangue industrielle de son émule. Voilà d’innocentes rivalités et de la politique idyllique. L’affaire des fenians de Manchester, délivrant leurs prisonniers et faisant couler, le sang, forme un contraste pénible avec les récréations des hommes d’état anglais. La haine irlandaise ne se fatigue point, et il est possible qu’elle ne soit point éteinte, même par les concessions politiques les plus libérales. N’importe, les caractères du tempérament irlandais ne diminuent point les devoirs des hommes d’état anglais envers l’Irlande. Il faut que les mesures progressives d’équité soient exécutées. Il faut se hâter de faire disparaître l’absurdité et l’injustice des dotations de l’église établie, du culte de la petite minorité, à côté du clergé catholique, de l’église vraiment nationale d’Irlande, privée d’établissement temporel. La polémique de M. Seward dans l’affaire des déprédations des corsaires armés en Angleterre par les rebelles du sud doit prévaloir, à notre avis, sur l’argumentation anglaise. La tolérance qui a permis l’armement de l’Alabama et la sortie de ce navire des ports anglais ne peut tenir contre la comparaison signalée par M. Seward dans la conduite des deux pays et contre la bonne foi avec laquelle les États-Unis ont maintenu le droit des gens en s’opposant par la force aux entreprises des fenians sur le Canada. La politique britannique reconnaît au fond la légitimité des réclamations américaines ; elle aurait seulement voulu couvrir son amour-propre en soumettant le litige à un arbitrage. Cette procédure détournée est déplacée dans les rapports de deux puissans peuples liés par des intérêts si nombreux et si considérables. En reconnaissant directement le droit des Américains, lord Stanley suivra la politique simple et courageuse qui sied à son caractère, et n’encourra dans son pays ni ailleurs le blâme des esprits sensés.

Le président Johnson persiste aux États-Unis dans sa politique personnelle et empêche le pays de reprendre son assiette régulière. Certes, dans la république américaine, l’autorité d’initiative est bien avarement mesurée au chef du pouvoir exécutif. Ce pouvoir n’a contre les lois instituées par le congrès qu’un méchant droit de veto, qui n’est plus qu’un veto suspensif et éphémère quand une majorité suffisante prend à cœur ses décisions législatives. Quoique le président ait le commandement en chef de l’armée, il est contenu étroitement par le général placé à la tête de l’organisation militaire ; quoique le président nomme ses ministres, c’est une bien grosse affaire pour lui de les congédier. Son pouvoir,