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soit le principe destiné à bouleverser l’Europe. Telle que nous la comprenons, telle que la comprennent les Allemands et les Magyars, c’est-à-dire soigneusement distinguée de l’idée de race, elle ne nous paraît pas une menace pour l’Autriche. Le travail qui se fait chez elle en effet n’est pas celui de nationalités demandant à prendre un rang à part dans la famille des états européens, c’est celui de races ayant vécu dans un isolement prolongé sans se mêler les unes aux autres, cherchant aujourd’hui à se grouper pour arriver à une organisation collective, — l’état autrichien, — et jetées seulement dans d’autres voies par une série de fautes et de malheurs, mine inépuisable de griefs contre l’ancienne monarchie des Habsbourg. Chacun des pays qui la composent revendique séparément une mesure plus ou moins large d’autonomie ; mais tous, Hongrie ou Croatie, Illyrie ou Bohême, aperçoivent la nécessité d’un lien commun, d’une fédération comme celle qu’un hasard providentiel a préparée entre eux. Relier ces peuples échus à la domination autrichienne dans des situations très diverses, combattre des menées étrangères incessantes, détourner cette triste passion dont s’est éprise une portion des Slaves pour l’idée de race au point d’oublier l’idée de patrie, obtenir de ces populations, aigries par des années de mauvais gouvernement, surchargées d’impôts, découragées par de continuels revers, l’effort nécessaire pour maintenir entre elles cette communauté politique où elles entrevoient, mais vaguement encore, leur salut, c’est là sans doute une tâche difficile au milieu du mouvement et des impatiences de l’esprit moderne. Du moins, pour se guider dans la marche à suivre, les amis de l’Autriche ont les expériences d’un passé récent, et ces expériences sont comprises par les hommes que l’empereur François-Joseph a récemment appelés dans ses conseils.


I

Un écrivain qui avait vu de près les faits qu’il racontait a dit dans la Revue les causes de la crise de 1848. L’état autrichien semblait alors se soutenir par un prodige d’équilibre. Il ne supprimait pas les haines de race, il les encourageait soit par calcul, soit par inhabileté, et au fond on n’avait guère d’autre système que celui de perpétuer la division dans l’empire ; on n’y voulait qu’une unité, celle de la dynastie et de l’armée.

Tandis que les conseillers de l’empereur Ferdinand, surpris par le contre-coup de la révolution de Paris en 1848, entretenaient l’irritation chez les Slaves du sud, encourageaient le patriotisme ardent de Jellachich et de Stratimirovic, les chefs populaires des