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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/984

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passant par-dessus le cadavre de la Pologne. » Les Polonais sont franchement ralliés à la politique de M. de Beust, et ils paraissent comprendre qu’il ne serait pas aujourd’hui possible de rétablir le royaume de Sobieski. Un des leurs, M. Ziemalkowski, est vice-président du reichsrath de Vienne. Ils se réjouissent du rétablissement de la confiance entre les Magyars et l’Autriche. Ils acceptent nettement la situation de sujets de l’empire, et ne demandent rien qu’on ne puisse aisément leur concéder en fait d’autonomie provinciale.

Au milieu des élémens de dissolution qui menacent la monarchie et des périls extérieurs, qu’il ne faut jamais perdre de vue, les ministres autrichiens ont compris que l’église catholique pouvait leur apporter un précieux concours, car partout où la Russie met la main, elle attaque le germanisme et le catholicisme. Toutes les armes de la foi et du patriotisme sont nécessaires pour arrêter les progrès simultanés de l’église grecque et de la propagande panslaviste en Galicie, en Transylvanie et en Croatie. Aussi faut-il considérer comme un malheur que la question du concordat ait surgi en un pareil moment, et que tant de bruit se fasse autour de cet acte trop fameux de la période réactionnaire. Les catholiques et les hommes qui tentent en ce moment la régénération de l’Autriche déplorent également ce concordat, aussi peu approprié à l’esprit des grandes sociétés modernes qu’aux anciennes traditions de l’Autriche en matière religieuse. La cour de Rome y avait cherché une revanche des lois joséphistes, qui plaçaient le clergé de l’empire sur le pied d’une indépendance presque absolue du saint-siège. Aussi pose-t-il d’abord le principe d’une entière liberté de communication entre Rome et le clergé ou les catholiques. Malheureusement il ne s’arrête pas là et tranche dans le vif toutes les questions qui partout ailleurs ont donné lieu à de longs débats entre l’église et les pouvoirs publics. L’église a le droit de posséder indéfiniment des biens sans être tenue à demander l’autorisation de l’état. L’impôt de la dîme est maintenu partout où il n’a pas été légalement aboli avant le 14 août 1855. Les évêques exercent un contrôle supérieur sur tous les établissemens d’instruction, et peuvent censurer publiquement les actions et les livres. Enfin, le mariage étant considéré comme un fait purement religieux, tous les actes concernant l’état des personnes de la foi catholique sont du ressort des tribunaux ecclésiastiques. On se figure facilement les causes de conflit contenues dans une pareille législation. Aussi le clergé n’a usé jusqu’ici de ces privilèges qu’avec une grande circonspection. Néanmoins quelques incidens fâcheux ont suffi pour provoquer des luttes dans lesquelles l’église catholique a perdu beaucoup de son