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Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 71.djvu/997

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du commerce extérieur sont beaucoup moins actives ; les capitaux se portent moins facilement vers l’industrie maritime. Où sont les chantiers capables d’exécuter avec régularité et promptitude les travaux de construction et de réparation pour ces immenses navires, dont les proportions diffèrent si largement de celles que présentent les instrumens ordinaires de transport, tandis qu’en Angleterre, où la navigation à vapeur est depuis longtemps très étendue et où le trafic des marchandises emploie des bâtimens du plus fort tonnage, plusieurs ports possèdent des Usines, des chantiers, des bassins, qui sont en mesure de pourvoir à l’entretien matériel des services de paquebots ? Il fallait donc que la France créât de toutes pièces non-seulement l’industrie des transports à vapeur et à grande vitesse, mais encore les industries accessoires et les établissemens indispensables. C’est ce qui a été fait. La Compagnie générale transatlantique a organisé de grands ateliers à Saint-Nazaire, et la compagnie des Messageries impériales, indépendamment des ateliers qui lui sont propres, a donné naissance à la compagnie des forges et chantiers de la Méditerranée. Dans de telles conditions, le régime de l’adjudication ne pouvait convenir pour la fondation des entreprises de paquebots. L’instrument de la concurrence, c’est-à-dire le concours de plusieurs entrepreneurs capables d’assurer le service, n’existait pas. On devait chercher, désigner presque le groupe de capitalistes qui pourrait, à prix débattu, assumer la responsabilité et les charges d’une aussi lourde affaire, et c’est à ce mode que l’on a abouti, en procédant par concessions directes. Si l’on avait compris dès l’origine cette nécessité résultant de la situation particulière de l’industrie française, nous aurions eu dix ans plus tôt nos services maritimes.

Plus on approfondit la question, plus on éprouve de difficulté à se prononcer en faveur de tel ou tel système de concession, et les documens recueillis par les enquêtes anglaises laissent subsister cette incertitude. Au premier examen, l’adjudication publique paraît être le mode le plus rationnel et le plus avantageux pour le budget ; mais si l’on entre dans le détail, on rencontre de graves objections. S’agit-il d’un service nouveau à établir, rien ne garantit que l’aveugle sort des enchères attribuera la préférence à celui des concurrens qui est le plus apte à constituer l’entreprise, et pour une économie qui peut être très minime l’état est exposé à être mal servi. S’agit-il d’un service à continuer après l’expiration de la concession existante, il serait imprudent de ne point laisser l’entreprise aux mains du concessionnaire qui a acquis l’expérience et qui a fait ses preuves ; il serait inique de transférer à d’autres les bénéfices d’une industrie que le premier concessionnaire a créée,