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profit de notre bien-être une vérité quelconque, depuis longtemps acquise à la science. Combien de faits, connus seulement d’un petit nombre d’initiés, dorment dans tous les recoins de l’immense arsenal de la science, comme ces pierres précieuses encore enveloppées de leur gangue qui ornent les collections de nos musées ! Ces pierres charmeront nos yeux, si elles tombent entre les mains d’un joaillier habile qui s’applique à en faire ressortir les facettes ; ces faits, enfouis dans des traités inaccessibles à la foule, deviendront véritablement féconds, s’ils sont présentés au public par un écrivain qui sache avec agrément les mettre en scène. Verrions-nous autour de nous tant de landes stériles, tant de marais pernicieux, tant de champs cultivés à contre-sens, si de bons livres populaires eussent contribué à répandre les principes de la géologie, de la chimie, de la botanique, ailleurs que parmi les savans ? Verrait-on toujours tant d’obstacles se dresser devant chaque innovation utile, tant d’indifférence et d’incrédulité répondre aux appels d’inventeurs dont les idées sont parfaitement pratiques et raisonnables, si l’on s’attachait davantage à faire goûter au grand public les résultats des recherches scientifiques accomplies dans le silence des laboratoires ?

La nécessité de la vulgarisation des sciences est de plus en plus comprise, et les essais qui sont tentés dans cette voie sont couronnés d’un succès toujours croissant. En outre nous constatons avec une satisfaction sincère que de vrais savans se décident enfin à descendre dans l’arène. La fin de l’année nous a donné, au milieu d’une masse de compilations de second et de troisième ordre, quelques ouvrages vraiment dignes d’être recommandés, et dont plusieurs sont signés de noms qui font autorité dans la science. Lorsqu’on les compare à d’autres livres populaires qui traitent des mêmes sujets, on comprend combien il est vrai que, pour bien écrire sur une matière, la première condition est de la bien connaître.

Voici d’abord la Terre, par M. Elisée Reclus. C’est un essai de description des phénomènes du globe, essai auquel le Cosmos d’Alexandre de Humboldt paraît avoir servi de modèle. Le Cosmos a eu, on le sait, un succès immense en Allemagne (beaucoup moindre en France, où il n’est connu que par une traduction). Cette première tentative d’une description à la fois exacte et populaire de l’univers visible a puissamment contribué à répandre et à faire fructifier une série d’idées générales et profondes que l’illustre voyageur avait le premier jetées dans la circulation. Sous une forme accessible à tous, le Cosmos résumait aussi, il y a quinze ans, l’état d’une branche toute moderne de la science du globe, la géographie comparée, dont Carl Ritter et Humboldt ont été les fondateurs. On pourrait peut-être l’appeler physiologie du globe, car elle s’occupe avant tout des phénomènes sous l’influence desquels la surface de la terre subit d’incessantes métamorphoses. Elle a pour auxiliaires la