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il se compose de deux ou trois feuilles d’arbres très allongées et lancéolées, dont l’oiseau coud exactement les bords en surjet à l’aide d’un brin d’herbe flexible qui sert de fil ; la femelle remplit ensuite de coton l’espèce de petit sac formé de cette manière, et dépose sa gentille progéniture sur ce lit moelleux que bercent les airs. Ce qu’on devinerait à peine, c’est que les oiseaux ne se bornent pas toujours à construire des abris destinés à protéger leur famille ; il y en a, paraît-il, qui sacrifient au luxe et se bâtissent des habitations de plaisance, des bosquets destinés aux promenades amoureuses ! Le chlamydère tacheté, décrit par Gould, nous en offre l’exemple inattendu. C’est un oiseau exotique qui ressemble à notre perdrix ; il s’en distingue par son plumage foncé, relevé de gouttes claires, et par son cou orné d’un collet rose. Pour construire sa charmille nuptiale, le couple procède méthodiquement. Pour emplacement, il choisit un lieu découvert, exposé au soleil, à la lumière. Son premier soin est d’établir une chaussée de cailloux arrondis ; lorsqu’il la juge suffisamment épaisse, il commence par y planter une petite avenue de branches. On le voit à cet effet apporter de la campagne de fines pousses d’arbres à peu près de la même taille, qu’il enfonce solidement par le gros bout dans les interstices des pierres. Ces branches sont disposées sur deux rangées parallèles, un peu convergentes, de manière qu’elles figurent une charmille en miniature. La plantation a un mètre de long, elle est assez large pour que les deux oiseaux puissent se promener à côté l’un de l’autre dans l’intérieur. Ce bosquet achevé, on songe à l’embellir. Chacun de son côté, on butine dans les champs, et on rapporte tous les objets brillans qu’on parvient à ramasser : coquilles à nacre, plumes d’oiseau, enfin tout ce qui charme le regard. Ces trophées sont accrochés à l’entrée du bosquet, lequel ne tarde pas à resplendir au soleil comme un palais des Mille et une Nuits. Dans les sites fréquentés par les chlamydères, si un voyageur perd sa montre, son couteau, son cachet, il ne s’amuse pas à le chercher par terre ; il sait où le retrouver. La découverte de ces faits parut à M. Gould si extraordinaire, qu’il craignit de ne rencontrer en Europe que des incrédules. Pour répondre d’avance à toutes les objections, il fit enlever une de ces promenades merveilleuses, et parvint à la transporter au Musée britannique, où l’on peut l’admirer aujourd’hui. Un peu plus tard, un chlamydère vivant fut apporté au jardin zoologique de Londres. On le mit dans une grande salle au milieu de tous les matériaux nécessaires à ses constructions ; mais le pauvre exilé ne fit que de piètre besogne, c’est à peine s’il toucha aux branchages pour en planter quelques-uns çà et là dans un tas de pierres. Il lui manquait l’air et le soleil, il lui manquait surtout une compagne.

Parmi les faits et les raisonnemens que M. Pouchet fait valoir en faveur de l’hypothèse des générations spontanées, nous mentionnerons les